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Une entrée en matière qui pose la question du regard
Il y a des films qui viennent pour amuser la galerie, d’autres pour la bousculer. Couple de stars (titre français d’America’s Sweethearts, 2001) se présente d’abord comme une satire douce-amère de l’industrie du divertissement : stars glamour, attachés de presse nerveux, scoop à couvrir et clash médiatique à colmater. Le long métrage, dirigé par Joe Roth et porté par un casting de haute volée — Julia Roberts, John Cusack, Catherine Zeta-Jones, Billy Crystal en tête — joue des codes de la comédie romantique tout en tentant d’en déchirer la face lisse pour en montrer les coulisses moins reluisantes. Les intentions sont claires : tirer sur la comédie de mœurs hollywoodienne pour mieux en faire jaillir la farce, mais aussi l’amère sensation d’un monde où l’image prime souvent sur la personne.
La mécanique du scandale
Sur le papier, l’intrigue est simple et vacharde. Gwen Harrison et Eddie Thomas sont le couple le plus bankable d’Amérique : à l’écran, ils sont parfaits ; hors caméra, leur séparation menace de faire basculer la promotion du film qui devait sceller leur retour. Chargé de « réparer » l’image, le publiciste Jake (Billy Crystal) orchestre une opération de communication aux limites du burlesque, impliquant assistantes dévouées, producteurs paniqués et une ribambelle de seconds rôles ambivalents. Pêle-mêle : retards, révélations, quiproquos et concours de cabotinage aboutissent à une grande première qui se transforme en lieu public d’exorcisme des egos. Le film file ainsi la métaphore de l’industrie qui se mangera elle-même pourvu que la manne revienne.
Joe Roth, réalisateur-producteur qui caresse Hollywood dans le sens du poil (ou pas)
Joe Roth, producteur de longue date et patron de studios, signe ici une mise en scène « corporate » : on sent le professionnel du système qui connaît ses arcanes, mais qui filme avec le confort de celui qui ne veut pas se brûler les ailes. Roth, moins un styliste qu’un faiseur de grandes machines, privilégie la fluidité et l’efficacité à l’expérimentation — logique pour un film au casting tentaculaire et au budget conséquent. Sa réalisation sait encadrer les numéros d’acteurs et faire respirer la mécanique comique, mais manque parfois d’un regard plus incisif, d’une brûlure interne qui aurait transformé la satire en coup de tonnerre. En somme, Roth filme Hollywood comme on gère un plateau : proprement, avec ponctualité, et sans prises de risque esthétiques majeures.
Roberts, Cusack, Zeta-Jones — quand les talents se croisent
La force première du film tient à son casting. Julia Roberts, dans le rôle de Gwen, attire l’œil même dans les scènes où l’écriture l’abandonne ; son capital sympathie est tel qu’elle apporte de la chaleur à des dialogues parfois mécaniques. John Cusack compose un Eddie à la fois touchant et gauche, tandis que Catherine Zeta-Jones incarne la star fatale avec ce mélange de glamour et d’ironie nécessaire. Billy Crystal, co-scénariste (avec Peter Tolan) et figure comique familiale, joue le directeur artistique du chaos avec une précision de chef d’orchestre. Autour d’eux, Hank Azaria, Stanley Tucci, Christopher Walken et Seth Green enrichissent la galerie en apportant couleurs et étrangetés. Le plateau ressemble à un bal où chacun attend son entrée : quand les acteurs sont servis, les étincelles sautent ; quand le script faiblit, même les noms lourds peinent à masquer les vides.
Satire douce-amère ou comédie tiède ?
Le film adopte une double posture : il se veut satire et, en même temps, divertissement inoffensif. Résultat : un cocktail tiède. Les dialogues signés Billy Crystal et Peter Tolan oscillent entre traits de finesse et tires-mots convenus ; la charge ironique sur la machine promotionnelle hollywoodienne est présente mais rarement acide. Les scènes de presse et les tentatives de « réparation d’image » sonnent juste dans leurs détails, mais à l’échelle du film la moquerie pâtit d’un manque d’engagement narratif. Les critiques de l’époque ont résumé ce défaut : beaucoup d’illustrations brillantes, peu de cohérence satirique suivie. Roger Ebert, par exemple, notait que le film recyclait des motifs classiques du cinéma hollywoodien sans la verve qui fait les grandes comédies de mœurs.
Le comique d’acteurs : quand le talent électrise les scènes
Quand la mécanique comique fonctionne, c’est presque toujours grâce aux acteurs. Julia Roberts est capable de transformer un dialogue tiède en moment charismatique ; Billy Crystal, par son timing et ses inflexions, soutient la structure comique ; John Cusack trouve des nuances qui rendent son personnage sympathique malgré ses errements. Catherine Zeta-Jones, plus froide et cassante, joue la rivale que l’on adore détester. Les seconds rôles — Hank Azaria, Stanley Tucci, Christopher Walken — offrent des retours de flamme et des instants d’éclat qui relancent l’intérêt. En revanche, quand la partition dramatique réclame de la profondeur, le film ne lui laisse pas assez d’espace : certains personnages restent des silhouettes. Cela donne un film porté par des talents qui parfois ne peuvent que masquer, et non combler, des lacunes d’écriture.
Des rires, mais peu d’unanimité
À sa sortie, Couple de stars a divisé. Les agrégateurs témoignent d’un accueil mitigé : la note critique moyenne indique que, malgré un casting de rêve, le film manque de chaleur généreuse et souffre d’un humour inégal. Rotten Tomatoes synthétise ce constat : l’humour est haché, les personnages manquent parfois de sympathie, et le film ne tient que par moments. Metacritic reflète la même tendance, avec une appréciation globale plutôt tiède. Les revues anglophones (Washington Post, The Guardian) relevaient la présence de beaux numéros mais reprochaient au film son manque de mordant.
Un succès commercial raisonnable
Sur le plan commercial, America’s Sweethearts a trouvé son public. Le film a ouvert dans de bonnes conditions et a réussi à engranger des recettes solides : le box-office mondial s’élève à environ 138 millions de dollars, contre un budget de production estimé autour de 46–48 millions selon les bases de données financières. Cela place le film dans la catégorie des comédies mainstream rentables pour les studios : assez de recettes pour amortir le projet et nourrir la visibilité des stars, sans pour autant en faire un phénomène durable. Le public a donc partiellement répondu à l’appel, même si la postérité critique reste tiède.
Pas de palmarès majeur
Le film n’a pas été un chouchou des cérémonies. Il n’a décroché ni Oscars ni Golden Globes de premier plan, et sa carrière en festival fut discrète : Couple de stars est davantage un produit d’été que l’objet d’une campagne de palmarès. Quelques mentions et petits prix techniques existent dans les archives, mais rien qui n’ait transformé la perception critique du film à long terme. Ce constat est cohérent avec la nature du projet : film-objet industriel conçu pour divertir plutôt que pour concourir.
Le film laisse des scènes, des répliques, une photo de plateau
En sortant de la projection, on garde surtout des images et des moments : la tension d’un numéro d’acteur, la chute parfaitement amenée d’une réplique de Billy Crystal, la beauté blonde et ironique de Zeta-Jones, l’éclat de Roberts quand l’écriture la sert. Couple de stars fonctionne comme un album photo : il cristallise des instants plaisants plutôt qu’il ne construit une fresque durable. On y revient pour certains numéros, pour la mécanique interplay entre comédie et coulisse, mais rarement pour la puissance d’un récit. C’est un film de présence, non d’empreinte.
Divertissement élégant mais fragile
Si l’on doit trancher, Couple de stars mérite d’être vu pour son casting et pour quelques scènes savoureuses qui révèlent le talent comique de ses interprètes. En revanche, si vous cherchez une satire acérée sur la mécanique des images ou une comédie romantique au cœur généreux, vous risquez d’être déçu : le film oscille entre deux ambitions et finit par les écourter toutes deux. Sa réussite est donc partielle — brillante par moments, insuffisante en globalité — mais elle reste suffisante pour offrir une soirée de cinéma agréable, ponctuée de quelques éclats et d’un regard, parfois tendre, sur la fabrique des stars.
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