
Une entrée en matière qui promet le carnage
Dès l’affiche et la première bande-annonce, Havoc instaure une promesse claire : du chaos organisé, des corps qui cognent et une ville qui saigne. Le film — écrit et réalisé par Gareth Evans et porté par Tom Hardy — revendique ses filiations (polar urbain, « heroic bloodshed » hongkongais) tout en promettant le style visuel nerveux propre au cinéaste de The Raid. Sorti sur Netflix le 25 avril 2025, Havoc joue sur la collision entre mécanique de thriller et précision d’un cinéma d’action qui aime les plans longs et la violence chorégraphiée.
Une nuit qui bascule en ville
L’histoire suit Patrick Walker, un flic usé et ambigu, pris dans une nuit de basculement : une transaction qui tourne mal, des enlèvements, des meurtres et l’implication d’un puissant promoteur politique. Quand la vie du fils d’un candidat devient l’enjeu, Walker est sommé de jouer les sauveteurs — ou de nettoyer le terrain selon des règles qui le dépassent. La progression se déroule sur une poignée de nuits et met en miroir intérêts privés, bandes criminelles et policiers aux contours troubles. Le récit utilise la temporalité étroite pour comprimer tensions et affrontements, et sert surtout d’excuse à des scènes d’action conçues comme autant d’épreuves physiques.
Gareth Evans : le chorégraphe du chaos à l’épreuve du polar
Gareth Evans s’est fait connaître pour la pureté de son écriture d’action — économie de moyens, lisibilité des corps et plan-séquence nerveux — et Havoc prolonge ce travail mais dans un registre plus « polar américain ». Evans signe scénario et réalisation ; son intérêt ici est de marier violence physique et intrigue de corruption avec un sens aigu du mouvement. Là où The Raid était presque un essai de style martial, Havoc tente le collage : verbe plus urbain, enjeux plus politiques, et un jeu d’acteurs plus classique. Le cinéaste assume ses forces (mise en scène des combats) et ses limites (la dramaturgie parfois en retrait) dans un film qui revendique la brutalité comme esthétique.
Tom Hardy en point d’ancrage, Whitaker et Olyphant en renfort
La star qui porte le film est Tom Hardy, ici en détective tourmenté dont la présence physique et l’intensité remplacent souvent la psychologie écrite. Autour de lui, le casting est pléthorique et international : Forest Whitaker incarne la figure influente qui tire des fils, Timothy Olyphant joue l’antagoniste politique, Jessie Mei Li apporte la fraîcheur d’une coauteure policière, et Justin Cornwell ou Luis Guzmán renforcent la galerie. Cette combinaison vise à équilibrer muscle et charisme — Hardy occupe le centre tandis que les autres visages apportent des cadres moraux ou des tensions de pouvoir.
Le pays de Galles fait ville américaine
Contrairement à ce que laisse entendre l’univers diégétique, Havoc a été majoritairement tourné au pays de Galles — Cardiff, Swansea, Barry Island et des studios autour de Cardiff ont servi de plateau pour recréer une métropole américaine composite. La production a investi des studios et des zones portuaires, transformant les architectures locales en quartiers urbains anonymes : résultat, une cité hybride qui devient personnage du film. Le tournage principal a démarré en juillet 2021 ; une première coupe livrée en 2022 a nécessité des reshoots retardés jusqu’en 2024, ce qui explique l’écart entre production et sortie.
Ambition chorégraphique et exigence physique
L’un des arguments de Havoc est son action conçue de manière volontairement « organique » : Evans, fidèle à sa méthode, privilégie les combats lisibles, souvent filmés en plans qui laissent voir la violence du geste plutôt que de la masquer. Les deux grandes séquences d’action du film ont fait l’objet d’interviews détaillées et de décorticages par la presse — Evans parle d’un travail de préparation considérable, d’un engagement physique de ses comédiens et d’un accompagnement chorégraphique pensé pour paraître brutal mais contrôlé. Le résultat donne des moments saignants, souvent virtuoses, mais certains critiques ont noté que la beauté de l’exécution ne suffit pas toujours à compenser les carences scénaristiques.
Un royaume nocturne saturé
Visuellement, Havoc joue l’opposition des néons à l’obscurité, une esthétique urbaine très texturée où la nuit devient une toile de fond presque palpable. La photographie (Matt Flannery) privilégie les contrastes et des mouvements de caméra qui accompagnent les corps dans l’espace, créant un ballet visuel où la lisibilité demeure une règle. La bande son, sobre, s’attache aux impacts et aux respirations, parfois ponctuée d’une musique aux accents lourds qui underscore l’urgence. Ensemble, image et son font de la ville un espace étouffant et sensoriel — une réussite technique saluée par plusieurs critiques.
La tension qui sacrifie parfois la profondeur
Écrire et réaliser l’action est une chose ; construire des personnages consistants en est une autre. C’est là que Havoc divise : Gareth Evans signe un scénario qui tient ses promesses de spectacle mais qui laisse parfois la psychologie en retrait. Les revirements sont surtout fonctionnels — servir la mécanique du thriller — et certains arcs secondaires manquent d’ampleur. En clair, si le film brille par l’énergie de ses séquences physiques, il pâtit d’une dramaturgie qui peine à approfondir tous ses enjeux. Plusieurs critiques ont résumé ce constat par : « on admire le « comment » mais on regrette parfois le « pourquoi » ».
Hardy en force, une troupe solide mais sous-exploitée
Tom Hardy livre ce que l’on attend de lui : présence, tension contenue et investissement physique. Il est l’aimant du film, capable d’insuffler au personnage de Walker une ambiguïté dramatique même quand le scénario n’en donne pas tous les outils. Forest Whitaker et Timothy Olyphant apportent du relief — Whitaker joue la menace soft, Olyphant la froideur calculatrice — mais certains talents du casting (Justin Cornwell, Jessie Mei Li, Luis Guzmán) ont des développements limités par la focalisation sur l’action et les enjeux centraux. Globalement, les comédiens font le boulot, parfois au-delà : leur engagement empêche le film de tomber dans la simple démonstration technique.
Entre réception d’un vieux canon et tentative de variation
Sur la question de l’innovation, Havoc ne veut pas révolutionner le genre : il assume ses emprunts au polar urbain et à l’« heroic bloodshed » tout en y ajoutant la grammaire d’action d’Evans. L’innovation tient surtout à la façon dont le réalisateur transpose son langage corporel — appris dans des films martiaux à petit budget — à une arène plus industrielle et hollywoodienne. Le geste est intéressant : Evans montre qu’il peut diriger des set-pieces massifs (et les tourner en studio), mais il ne change pas radicalement les règles du polar. Pour les amateurs d’action pure, c’est un dosage payant ; pour ceux qui cherchent une révolution thématique, les avances sont plus timides.
Critiques mitigées, public curieux et succès de streaming
La critique a été partagée. Les agrégateurs donnent des notes situées autour de la moyenne haute (la Tomatometer tourne autour des 63–64%), tandis que l’audience est plus divisée — certains spectateurs pointent la faiblesse de l’intrigue malgré l’énergie des combats. Les revues spécialisées saluent la maîtrise des séquences d’action mais regrettent le manque d’un noyau dramatique plus dense. En parallèle, Havoc a rencontré un réel succès sur Netflix : le film a rapidement figuré en tête des visionnages avec des dizaines de millions de vues sur sa fenêtre initiale, signe qu’il touche une large audience friande d’action calibrée.
Aucune moisson majeure — pour l’instant
À ce stade de son exploitation, Havoc n’a pas accumulé de palmarès important : aucune grande distinction institutionnelle n’a encore marqué son parcours public. Cela n’ôte rien à son impact commercial via la plateforme et à la visibilité qu’il a donnée au savoir-faire d’Evans sur un marché global. Si certains films d’action trouvent leur public avant la reconnaissance critique, Havoc ressemble davantage à un film de genre applaudi pour son exécution qu’à une oeuvre célébrée pour son audace narrative — la postérité dépendra de sa circulation et de la manière dont le public le réévaluera dans le temps.
Un film d’action qui tient ses promesses — mais pas davantage
Havoc est ce qu’il annonce : un thriller musclé, réglé par un cinéaste qui connaît les corps en mouvement et un acteur principal capable de porter l’intensité physique. Si vous cherchez du cinéma d’action contemporain tourné avec soin, vous y trouverez des séquences mémorables et un sens du rythme qui emporte souvent l’adhésion. Si vous recherchez une plongée psychologique profonde ou une intrigue politique subtilement décantée, le film risque de vous laisser sur votre faim. Gareth Evans prouve ici qu’il peut transposer sa grammaire de la violence à une plus grande échelle ; il reste à espérer qu’à l’avenir il puisse associer cette virtuosité technique à un script qui lui tienne mieux la main.
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Je suis Guillaume, critique de films passionné dont les analyses incisives et captivantes enrichissent le monde du cinéma. Avec un flair pour déceler les subtilités artistiques, je partage mes réflexions à travers des critiques percutantes et réfléchies. Mon expertise, alliée à une plume élégante, fait de moi une voix influente dans l'univers cinématographique.
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