« La Conquête » : Quand le pouvoir s’écrit au présent

Films / Publié le 31 mai 2025 par Charles-Henry
Temps de lecture : 6 minutes
politique
« La Conquête » : Quand le pouvoir s’écrit au présent

Sorti en salles le 18 mai 2011, La Conquête de Xavier Durringer s’impose comme une œuvre singulière dans le paysage cinématographique français. Pour la première fois, un film de fiction s’attaque à la représentation d’un président de la République encore en exercice, en l’occurrence Nicolas Sarkozy. Présenté hors compétition au Festival de Cannes 2011, ce long métrage audacieux mêle satire politique et drame personnel, offrant une relecture romancée de l’ascension fulgurante de Sarkozy vers l’Élysée. Entre ambition dévorante et solitude intime, La Conquête dresse le portrait d’un homme en quête de pouvoir, prêt à tout sacrifier pour atteindre son objectif suprême.

Synopsis : l’ascension d’un homme, la chute d’un couple

Le 6 mai 2007, jour du second tour de l’élection présidentielle française. Nicolas Sarkozy, sûr de sa victoire, attend les résultats enfermé chez lui, en peignoir, tentant désespérément de joindre son épouse Cécilia, qui le fuit. À travers une série de flashbacks, le film retrace les cinq années précédentes, marquées par l’irrésistible ascension de Sarkozy : ses manœuvres politiques, ses affrontements avec Jacques Chirac et Dominique de Villepin, ses coups d’éclat médiatiques. Mais cette quête effrénée du pouvoir a un prix : l’éloignement progressif de Cécilia, pilier de sa vie personnelle et politique. La Conquête narre ainsi l’histoire d’un homme qui gagne le pouvoir mais perd sa femme.

Xavier Durringer : un regard acéré sur la politique

Réalisateur et dramaturge reconnu, Xavier Durringer s’est fait connaître par des œuvres engagées et réalistes, telles que La Nage indienne (1993) et Chok Dee (2005). Avec La Conquête, il s’attaque à un sujet brûlant : la représentation d’un président en exercice. Pour mener à bien ce projet, il s’associe au scénariste et historien Patrick Rotman, spécialiste de la vie politique française. Ensemble, ils élaborent un récit mêlant rigueur documentaire et fiction romanesque, offrant une vision nuancée de Nicolas Sarkozy, entre caricature et humanisation. Durringer revendique une approche centrée sur le pouvoir politique, plutôt que sur la biographie d’un homme.

Un tournage sous haute tension

Le tournage de La Conquête s’est déroulé dans une atmosphère de secret absolu. Réalisé à Paris en août 2010, il a été mené sans autorisation préfectorale, dans une discrétion totale pour éviter les fuites médiatiques. Le réalisateur Xavier Durringer a même laissé entendre que des informations erronées sur les dates de tournage avaient été diffusées pour brouiller les pistes.

Avec un budget de 5 millions d’euros, soutenu par Gaumont et Canal+, mais sans l’appui des chaînes hertziennes, le film a été conçu comme un projet indépendant, presque clandestin, reflétant la tension politique de son sujet.

Un casting au service de la vraisemblance

Le film repose en grande partie sur la performance de Denis Podalydès, qui incarne un Nicolas Sarkozy à la fois énergique, nerveux et vulnérable. L’acteur, membre de la Comédie-Française, parvient à éviter la caricature, offrant une interprétation crédible et nuancée du futur président. À ses côtés, Florence Pernel campe une Cécilia Sarkozy élégante et distante, tandis que Bernard Le Coq incarne un Jacques Chirac roué et manipulateur. Samuel Labarthe, dans le rôle de Dominique de Villepin, complète ce trio politique avec brio. La distribution, composée également de Michèle Moretti, Hippolyte Girardot et Saïda Jawad, contribue à ancrer le film dans une réalité palpable.

Une narration audacieuse mais controversée

La Conquête adopte une structure narrative non linéaire, alternant entre les moments clés de la campagne présidentielle et les flashbacks de la vie personnelle de Sarkozy. Cette approche vise à humaniser le personnage tout en exposant les mécanismes politiques de son ascension.

Cependant, certains critiques ont reproché au film une approche trop factuelle, manquant de profondeur analytique. Le Monde a notamment qualifié le film de « montage de morceaux choisis », suggérant une absence de cohérence narrative.

Une réception critique partagée

À sa sortie, La Conquête a suscité des réactions contrastées. En France, la critique est mitigée : certains saluent l’audace du projet et la performance des acteurs, d’autres reprochent au film son manque de profondeur et sa tendance à l’anecdote. Sur Allociné, le film obtient une note moyenne de 2,6 sur 5 de la part de la presse et de 2,9 sur 5 de la part des spectateurs. À l’international, l’accueil est plus favorable : sur Rotten Tomatoes, La Conquête récolte 77 % d’opinions positives, avec une note moyenne de 6,4 sur 10, tandis que Metacritic lui attribue un score de 62 sur 100.

Un succès modeste au box-office

Malgré une forte médiatisation, La Conquête n’a pas rencontré un succès massif en salles. En France, le film totalise environ 718 641 entrées, un chiffre en deçà des attentes compte tenu de l’actualité du sujet et de la notoriété des personnages représentés. Certains observateurs attribuent cette performance modeste à une certaine lassitude du public envers la politique ou à une perception du film comme trop favorable à Sarkozy, ce qui aurait pu rebuter une partie de l’audience.

Une œuvre pionnière dans le cinéma politique français

La Conquête marque une étape importante dans le cinéma français en osant représenter un président en exercice de manière fictionnelle. Cette audace ouvre la voie à d’autres œuvres explorant les arcanes du pouvoir politique contemporain. Le film se distingue également par son approche hybride, mêlant satire, drame personnel et reconstitution historique. Si certaines critiques pointent un manque de profondeur ou une tendance à l’anecdote, d’autres saluent la performance des acteurs et la capacité du film à rendre accessible des enjeux politiques complexes. En somme, La Conquête s’impose comme une œuvre originale et audacieuse, offrant un regard singulier sur les coulisses du pouvoir.

Une œuvre nécessaire mais imparfaite

La Conquête reste une tentative audacieuse de traiter la politique contemporaine au cinéma. Si le film souffre de certaines faiblesses narratives et d’une approche parfois trop factuelle, il n’en demeure pas moins une œuvre importante pour sa volonté de capturer un moment clé de l’histoire politique française.

Grâce à des performances d’acteurs remarquables et une mise en scène soignée, La Conquête mérite d’être vu, ne serait-ce que pour son ambition et le débat qu’il suscite sur la représentation du pouvoir au cinéma.

Pour les amateurs de cinéma politique ou ceux intéressés par les mécanismes du pouvoir, La Conquête constitue une proposition intrigante, à la fois divertissante et stimulante.

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Charles-Henry

En perpétuelle recherche de nouveautés culturelles en tout genre.

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