
Entrée en matiére qui plante le décor
La suite tant attendue est là : M3GAN 2.0 reprend la poupée la plus célèbre du millésime viral et la propulse dans un registre plus vaste, davantage tourné vers l’action et la science-fiction militaire que vers l’horreur pure et simple qui a fait le succès du premier opus. Sorti en salles fin juin 2025, le film arrive comme une réponse calibrée à la question que beaucoup se posaient après M3GAN (2022) : que faire quand votre icône internet devient un terrain de jeu pour les industries de l’armement et de l’IA ? La production a choisi d’élargir l’horizon narratif et le terrain d’affrontement, au prix d’un basculement tonique qui déclenche autant de sourires que de réserves.
Accélère la course
Deux ans après les événements qui ont propulsé M3GAN au statut d’icône virale, Gemma — la conceptrice du robot — a choisi de se transformer en voix active pour la régulation des intelligences artificielles. Sa nièce, Cady, grandit dans l’ombre d’un phénomène culturel qui ne la protège pas toujours. Le calme relatif vole en éclats quand une technologie dérivée de M3GAN est militarisée : AMELIA, un androïde de combat développé par un contractant de défense, se met en travers du monde. Pour contrer la menace, Gemma et son équipe décident de restaurer et d’upgrader M3GAN, reconstruite pour faire face à AMELIA dans une confrontation où l’humour noir, l’action calibrée et l’interrogation morale se mêlent. Le récit joue la carte du blockbuster d’été tout en tâchant de conserver l’ironie mordante et le mordant social du premier film.
Le réalisateur : Gerard Johnstone joue l’équilibriste
Gerard Johnstone, qui avait signé le premier M3GAN, reprend ici les manettes en tant que réalisateur et coscénariste, prolongeant l’univers qu’il a contribué à rendre viral. Fidèle à son goût pour l’entre-deux tonal (horreur / comédie / satire), Johnstone opte pour une mise en scène qui privilégie la lisibilité des scènes d’action et la précision des gags au second degré. Son pari est risqué : transformer une figure d’horreur domestique en protagoniste d’un affrontement technologique sans trahir ce qui a fait la singularité du personnage. Il s’entoure d’un staff technique solide et familier du genre pour tenir cette transition, et signe un film qui carbure aux idées plus qu’aux effets gratuits.
Visages connus et nouvelles menaces
Allison Williams reprend son rôle de Gemma, figure centrale du drame tech et mère adoptive par procuration de M3GAN. Violet McGraw revient également dans la peau de Cady, tandis que les interprètes physiques et vocales de M3GAN — Amie Donald et Jenna Davis — reprennent leur double tâche si singulière : l’incarnation corporelle et la voix qui a fait le buzz. Le film étoffe son roster avec Ivanna Sakhno dans le rôle d’AMELIA, la nouvelle machine de guerre, ainsi qu’avec Jemaine Clement, Brian Jordan Alvarez, Timm Sharp et Aristotle Athari qui complètent l’armature dramatique et comique du récit. Ce mix d’habitués et de nouvelles têtes sert l’idée d’un passage à l’échelle : M3GAN n’est plus un phénomène de niche, elle devient un ressort à enjeux géopolitiques.
L’atelier néo-zélandais et la mécanique des automates
La production a choisi la Nouvelle-Zélande pour principal lieu de tournage — un choix désormais classique mais qui s’explique par la maîtrise technique des studios et la variété des paysages. Le tournage principal s’est déroulé à Auckland entre juillet et septembre 2024 sur environ 52 jours, un calendrier qui a permis d’alterner prises en studio pour les animatroniques et scènes extérieures plus vastes pour les séquences d’affrontement. La conception des automates mêle effets pratiques et CGI : l’armature physique d’AMELIA et de M3GAN a été travaillée par des équipes d’animatronics compétentes tandis que les plans d’ensemble recourent au numérique pour assurer la fluidité des chorégraphies. Côté technique, Toby Oliver signe la photographie et Chris Bacon la partition musicale, garants d’un rendu visuel et sonore calibré pour la grande salle.
La fabrication des combats
Pour que l’opposition entre M3GAN et AMELIA paraisse crédible à l’écran, l’équipe a développé des chorégraphies martiales précises. Ivanna Sakhno, qui incarne AMELIA, a travaillé avec une unité cascade dédiée et a étudié plusieurs disciplines — parmi lesquelles le Krav Maga et le Tai Chi — pour créer un style de combat qui tranche volontairement avec les mouvements de M3GAN, plus inspirés de Wing Chun et d’Aïkido. La poupée, outre la performance physique d’Amie Donald, bénéficie d’un travail de cascades et de motion design qui la rend à la fois menaçante et étrangement humaine. L’intention est claire : transformer la confrontation entre robots en duel de corps et de programmations.
Du frisson à l’action calibrée
M3GAN 2.0 tranche avec l’atmosphère lourde et sourde du premier film en assumant une tonalité plus explosive, plus camp et parfois franchement ludique. Les décors et la direction artistique jouent cette bifurcation : les intérieurs conservent l’esthétique domestique et glitchée qui rappelle l’origine virale de la poupée, tandis que les scènes extérieures et les installations militaires adoptent une stature plus monumentale. Le film alterne plans rapprochés, qui renvoient à l’intimité inquiétante de M3GAN, et plans larges, dont l’ambition est d’inscrire la menace dans un espace global. Ce mélange visuel soutient la mutation thématique : la menace n’est plus seulement psychologique, elle devient politique et géostratégique.
Ce que M3GAN 2.0 apporte (ou pas)
Là où le film marque des points, c’est sur son audace à redistribuer les cartes du genre. Plutôt que de répéter le modèle initial, Johnstone et ses scénaristes pivotent vers un affrontement techno-militaire et un spectacle d’action qui garde des racines horrifiques. Cette bascule est inventive dans le sens narratif : elle interroge l’éthique de l’IA appliquée à des usages belliqueux, et pousse la figure de la poupée dans des registres nouveaux — alliée, bête de somme, héroïne ambiguë. En revanche, sur le plan formel, M3GAN 2.0 n’inaugure pas de langage cinématographique révolutionnaire : il travaille plutôt par empilement de morceaux efficaces (gags, séquences d’action, saynètes familiales) sans renverser la table du style. Les critiques initiaux ont salué le choix tonal tout en relevant une impression d’hybridation parfois bancale.
Qui sauve les scènes et qui déroule mécaniquement ?
Allison Williams confirme son incarnation de Gemma avec une justesse qui navigue entre culpabilité, ironie et lucidité tech. Violet McGraw continue d’apporter la matérialité émotionnelle : son rapport à M3GAN est le cœur affectif qui empêche le film de basculer dans la pure démonstration. Amie Donald et Jenna Davis, renvoyant à leur double rôle (corps et voix), prolongent la singularité de la créature : la poupée reste, paradoxalement, le personnage le plus expressif. Ivanna Sakhno, en AMELIA, fournit la menace physique et la discipline martiale nécessaire pour tenir tête à M3GAN ; sa présence tend le film vers l’action pure. Jemaine Clement et le reste du casting apportent des éclairages comiques et critiques ; certains rôles secondaires auraient cependant mérité un meilleur usage dramaturgique. Globalement, la troupe travaille à plein rendement, et ce sont souvent les interprètes qui donnent au film sa tonicité quand l’écriture hésite.

Applaudissements partagés et réserves
Les retours des premières projections ont été globalement partagés. Plusieurs critiques relèvent que la séquelle bascule avec audace vers le camp et l’action, ce qui en fait un objet de divertissement assumé mais moins effrayant que l’original. Les agrégateurs et premières revues recensent un mélange de louanges pour l’inventivité tonale et de critiques sur un rythme parfois chargé et un certain manque de densité thématique. Le public, en revanche, semble souvent plus indulgent : l’écart entre score critique et score spectateur signale un film qui fonctionne comme expérience collective et viralisable, même si la critique lui reproche parfois de diluer la portée satirique première.
Pas un carton mais…
Sur le plan commercial, M3GAN 2.0 a connu un démarrage honorable pour un film de sa veine, avec un cumul mondial autour de la trentaine de millions lors des premières semaines d’exploitation, et une distribution large aux États-Unis fin juin 2025. Compte tenu du budget estimé (milieu de fourchette entre 15 et 25 millions), les chiffres montrent une réussite modérée mais pas spectaculaire : une performance correcte qui, combinée à une stratégie de sortie numérique rapide, vise la durée de vie en VOD et la viralité pour prolonger la rentabilité. Le film est ensuite programmé selon les fenêtres classiques, avec disponibilité digitale et cycles de streaming planifiés par l’accord de distribution universel.
Réussite partielle et promesse d’un univers élargi
M3GAN 2.0 fonctionne quand il accepte d’être ce qu’il prétend être : une suite amusante, parfois outrée, souvent brillante dans ses idées et ses séquences, et prête à transformer l’icône en franchise. Il est moins convaincant quand il veut simultanément conserver l’étrangeté psychologique du premier film et l’étendue explosive d’un blockbuster d’action ; sur ce point, la tension interne du film est perceptible. Néanmoins, sur le plan de l’univers-marque et de la conversation culturelle, la séquelle atteint son but : relancer la licence, ouvrir des pistes (militarisation de l’IA, responsabilité techno-politique, relations affectives humanoïdes) et offrir une expérience cinématographique immédiate, conçue pour le grand écran et pour l’ère des memes.
Du frisson sans plus pour M3GAN 2.0 ?
Si vous aimez les films qui prennent des risques de ton et qui transforment un phénomène viral en produit d’action hautement stylé, M3GAN 2.0 est une séance de cinéma recommandable. Si vous cherchez le frisson insidieux et l’épure satirique du premier opus, la suite risque de vous dérouter : elle préfère l’affrontement et l’éclat à la lenteur terrifiante. En bref, c’est un film de suite qui assume ses choix et dont la réussite finale dépendra de ce que vous cherchez dans une franchise moderne : du divertissement amplifié, quelques idées stimulantes, et la capacité à rester viral.

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Je suis Guillaume, critique de films passionné dont les analyses incisives et captivantes enrichissent le monde du cinéma. Avec un flair pour déceler les subtilités artistiques, je partage mes réflexions à travers des critiques percutantes et réfléchies. Mon expertise, alliée à une plume élégante, fait de moi une voix influente dans l'univers cinématographique.
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