McWalter — Quand le burlesque de YouTube prend d’assaut le film d’espionnage

Films / Publié le 14 septembre 2025 par Guillaume
Temps de lecture : 10 minutes
comique espionnage James Bond youtube

Le grand écart comique qui fait (presque) mouche

Il y a quelque chose de fascinant à voir un personnage né sur YouTube enfiler un smoking et partir sauver la planète en 4K : McWalter, incarné par Mister V, arrive précisément à ce carrefour où la culture du web rencontre le cinéma de genre. Plus qu’un simple passage de relais entre formats, le film opère un pari d’équilibre — parodie assumée, cascade burlesque et tentative sincère de construire un héros récurrent. À mi-chemin entre la parodie à la Zucker-Abrahams-Zucker et la tradition française du spoof (Kad & Olivier, La Cité de la peur), McWalter joue la carte du pastiche sans complexe, avec ses bons coups et ses maladresses. Pour qui aime le comique d’erreur et les gags visuels qui frappent fort, le film offre des séquences réjouissantes ; pour les autres, il risque d’apparaître comme un long pastiche bancal qui s’épuise parfois à force d’enchaîner les idées.

L’agent le plus célèbre du web en cavale

McWalter est présenté comme l’agent star de la NUS — un équivalent fantasmé et très américain d’un service d’élite — lorsqu’il se retrouve accusé d’une série d’attentats organisés aux quatre coins du monde. Hanté par sa réputation et traqué par d’anciens coéquipiers, notre héros part en cavale pour démêler un complot mondial, aidé par son fidèle sidekick geek et par une galerie de personnages aussi improbables qu’affûtés pour le gag. Le récit file d’épisodes en scènes gag où l’absurde se mêle à l’action, jusqu’à une révélation finale qui part d’un trauma d’enfance — une tentative, avouons-le audacieuse, d’équilibrer humour burlesque et véritable construction de personnage. La trame est volontairement prétexte : McWalter est surtout une succession de numéros conçus pour faire rire, surprendre et parfois s’émerveiller devant un sens du rythme burlesque remis au goût du jour.

Simon Astier, artisan du faux-grand spectacle

Aux commandes, Simon Astier — figure familière des séries à dimension populaire (Hero Corp, apparitions dans Kaamelott) — signe ici un premier grand format où son goût pour l’imagerie « Amérique reconstituée » et la comédie d’inspiration ZAZ se combine avec une exigence narrative surprenante. Astier, qui connaît la comédie « fabriquée artisanalement », explique qu’il a cherché à vérifier que l’histoire tienne sans les gags, puis à réintroduire l’absurde au montage pour conserver la cohérence dramatique. Cette méthode, presque clinique, explique la double ambition du projet : faire rire à la manière d’une farce et, en même temps, poser les bases d’un personnage qu’on pourrait suivre au-delà d’un simple sketch viral. En filigrane, McWalter porte la patte d’un réalisateur qui sait filmer le décor factice pour en faire un conte pop crédible.

Mister V sérieux comme un pape et une troupe qui tient la baraque

La force de McWalter, c’est d’abord son casting. Yvick Letexier — alias Mister V — est l’âme du projet : youtubeur devenu rappeur et comédien, il porte ici son personnage culte en tête d’affiche et s’essaie à un jeu plus « premier degré » que dans ses trouvailles digitales. Là où sur Internet il empilait grimaces et clins d’œil, il compose ici une figure de brave crétin solennel, et le contraste fonctionne : le rire vient autant de la situation que de l’impassibilité bouffonne du héros. Autour de lui, des comédiens confirmés — Géraldine Nakache apporte une énergie de comédie sensible, William Lebghil joue les faire-valoir avec justesse, Vincent Dedienne distille un second degré piquant, tandis que François Berléand pose la caution « vieux routier » d’un cinéma populaire bien connu des spectateurs. Ensemble, ils forment un chœur comique cohérent, souvent au service d’un gag visuel à la mécanique bien huilée.

Bricolage malin et sens de la mise en scène

Le film n’a pas la démesure budgétaire d’un blockbuster américain, et ce manque d’opulence devient ici une vertu : Simon Astier et son équipe savent comment tirer parti des moyens limités pour donner l’impression d’un grand spectacle. Entre décors « faussement américains », gags d’assemblage et idées visuelles créatives, McWalter mise sur la mise en scène inventive plutôt que sur le nombre d’effets numériques. Le processus décrit en interview — trois prises avec intentions différentes pour chaque gag, vérification préalable que le récit fonctionne sans les blagues, puis réinsertion des gags — explique pourquoi plusieurs séquences respirent d’un rythme presque théâtral, cadrées comme autant de numéros burlesques reliés par une intrigue. Le parti pris technique est donc clair : privilégier la cascade chorégraphiée, le gag physique et la trouvaille de décor, plutôt que l’aplomb des CGI. Cela donne parfois l’impression d’un spectacle « bricolé » dans le bon sens du terme — artisanal, généreux, et attachant.

Entre clin d’œil ZAZ et burlesque moderne

C’est ici que McWalter brille le plus souvent. Les auteurs — Mister V lui-même, Vincent Tirel, Freddy Gladieux, Simon Astier et d’autres — connaissent la mécanique du gag et savent la décliner : le film accumule des gags absurdes, des quiproquos visuels et un burlesque de situation qui renvoie autant aux comédies parodiques qu’au slapstick des comédies muettes. Les meilleures séquences fonctionnent parce que l’image crée la chute avant même la réplique : chutes contrôlées, faux raccords volontaires, regards appuyés et ralentis comiques. L’émotion se glisse parfois au milieu — une scène d’orphelinat, notamment, instille un ton incongru mais gagnant : on rit tout en sentant un peu d’humanité derrière la blague. Dans le registre ironique que vous demandiez, le film s’auto-parodie souvent — il se moque de son héroïsme, de son patriotisme factice et de l’idée même du héros invincible — et le résultat est souvent salvateur.

Réinvention ou recyclage ?

Dire que McWalter « innove » serait excessif. Le film est plutôt un exercice de style — une tentative ambitieuse pour transposer l’esprit des spoof movies classiques dans un univers 100 % francophone et connecté au monde des créateurs Internet. L’originalité tient moins dans la mécanique comique que dans la réunion de ces deux univers : la culture YouTube (rythme, punchlines, clins d’œil) et l’écriture de comédie « écran large » (mise en scène, construction narrative) se rencontrent. Si vous cherchez du cinéma d’espionnage révolutionnaire, vous serez déçu ; si vous cherchez une manière contemporaine et chantante de reprendre le gag burlesque, McWalter propose une version moderne et généreuse du pastiche. Le mélange d’authenticité (personnages écrits par leurs interprètes) et d’artisanat de plateau est, en soi, la partie la plus « neuve » du projet.

Les acteurs sont-ils bons ? Le bilan comique et dramatique

Mister V surprend par sa capacité à jouer le sérieux face à l’absurde ; c’est ce décalage qui crée la plupart des rires. Il n’est pas encore un acteur façonné par des années de conservatoire, mais son instinct comique est sûr, et la direction de Simon Astier l’aide à cadrer son personnage hors du simple sketch. Géraldine Nakache et William Lebghil apportent la rondeur nécessaire pour que le film ne verse jamais totalement dans le chaos gratuit. Vincent Dedienne, quant à lui, apporte ce sens du commentaire ironique qui ajoute de la profondeur au burlesque. Les seconds rôles plus expérimentés, comme François Berléand, ancrent la partition. Bref : la troupe tient la baraque, parfois au prix d’un jeu qui favorise l’efficacité comique au grain d’émotion subtile.

Accueil tiède mais enthousiaste ici ou là

À sa sortie sur Prime Video le 12 septembre 2025, McWalter a attiré l’attention pour la transposition réussie d’un personnage viral au format long et pour quelques séquences véritablement hilarantes. Les critiques oscillent entre l’éloge des moments burlesques et la réserve sur la tenue globale du film : certains voient en lui un revival salutaire de la parodie, d’autres lui reprochent un manque d’équilibre sur la distance d’un long métrage. Coté plateformes, la fiche affiche un runtime d’environ 1h46 et des premières notes users/plateformes mitigées — chiffres et notes qui varient selon les sites. À noter : au moment où j’écris (septembre 2025), aucune récompense majeure liée au film n’a été rapportée dans la presse spécialisée, ce qui n’enlève rien à son potentiel de film-culte populaire auprès d’un public jeune et connecté.

Ce qui fonctionne le mieux — et ce qui coince

Le meilleur de McWalter, ce sont ses numéros visuels : gags physiques, cadres absurdement efficaces et une écriture qui sait comment exploiter une idée comique jusqu’à la faire exploser. Là où le film fléchit, c’est lorsqu’il cherche à accumuler les clins d’œil et références au détriment de la progression dramatique, ou quand le gag s’étire au-delà de sa force. Parfois, on sent le patchwork d’idées de sketches plus que la souplesse d’un scénario pensé pour le long. Mais même les errements sont souvent rattrapés par une sincérité de ton : on sent une équipe qui aime profondément le jeu comique et qui veut partager ce plaisir. Première+1

Un James Bond qui a pris ses cours chez Chaplin

Si James Bond avait grandi en regardant des vidéos YouTube, il pourrait ressembler à McWalter : grandiloquent, maladroit, convaincu et prêt à déclencher une explosion pour prouver qu’il existe. Le film n’est pas parfait, loin de là, mais il a ce courage rare de vouloir rire fort, mal et souvent. À défaut d’inventer la comédie de demain, il réconcilie le gag d’internet et le spectacle d’action de façon honnête et — osons le dire — souvent hilarante. Si vous aimez que l’humour fasse des claquettes sur du vrai plateau, si l’ironie vous chatouille et que le burlesque vous réchauffe le cœur, McWalter mérite bien une soirée Prime Video. Sinon, vous pouvez toujours regarder les courts originels sur YouTube et vous amuser des mêmes blagues en version « concentrée ».

À qui s’adresse McWalter ?

McWalter s’adresse en priorité à un public qui a grandi avec les codes du web, mais qui aime aussi la comédie de spectacle. Les fans de Mister V retrouveront l’énergie du personnage, les amateurs de spoof goûteront les clins d’œil et les néophytes pourront y trouver un divertissement généreux — pourvu qu’ils acceptent le pacte de lecture : ici, on rit d’abord, on réfléchit ensuite. McWalter est une réussite relative — un film imparfait mais contagieusement drôle, parfois maladroit, souvent inventif, et toujours engagé dans le grand art de la blague bien placée.

Partager cet article :

Voir le profil de Guillaume

Guillaume

Je suis Guillaume, critique de films passionné dont les analyses incisives et captivantes enrichissent le monde du cinéma. Avec un flair pour déceler les subtilités artistiques, je partage mes réflexions à travers des critiques percutantes et réfléchies. Mon expertise, alliée à une plume élégante, fait de moi une voix influente dans l'univers cinématographique.

Soyez le premier à réagir

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

| Sur le même sujet