
Dans le paysage du thriller contemporain, peu de films peuvent se targuer d’allier aussi brillamment tension narrative, réalisation sophistiquée et personnages aussi profondément marqués que Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes. Adapté du best-seller de Stieg Larsson, ce long-métrage sorti en 2011 est réalisé par le talentueux David Fincher. Il nous offre une plongée vertigineuse dans les tréfonds de l’âme humaine, portée par une enquête criminelle étouffante et deux personnages inoubliables. Ce remake américain du film suédois de 2009 n’est pas qu’une copie : il en est la version glacée, tendue, et esthétiquement époustouflante, fidèle à l’univers sombre du roman.
Une intrigue noire comme l’hiver suédois
Condamné pour diffamation, Mikael Blomkvist, journaliste pour le magazine Millennium, est approché par Henrik Vanger, patriarche d’une riche famille industrielle, pour enquêter sur la disparition inexpliquée de sa nièce Harriet, survenue quarante ans plus tôt. Installé sur l’île familiale d’Hedestad, Blomkvist plonge dans un passé trouble, entre souvenirs enfouis, secrets de famille et sympathies nazies.
Sa route croise rapidement celle de Lisbeth Salander, une hackeuse surdouée, aussi marginale qu’imprévisible, chargée initialement de l’espionner. Victime de sévices sexuels et placée sous tutelle, Lisbeth parvient à s’émanciper de son tuteur abusif grâce à une vengeance méthodique. Lorsqu’elle accepte de rejoindre Mikael dans son enquête, les deux vont peu à peu mettre au jour une série de meurtres sadiques commis sur des jeunes femmes entre les années 40 et 60.
Leurs découvertes les mèneront jusqu’à Martin Vanger, frère d’Harriet, véritable tueur en série, lui-même initié à l’horreur par leur père. Lisbeth sauvera Mikael in extremis, puis retrouvera Harriet, vivante et exilée à Londres, cachée sous l’identité de sa cousine Anita. En parallèle, Lisbeth livre à Blomkvist les preuves qui feront tomber le puissant financier Hans-Erik Wennerström, blanchisseur d’argent et figure de la haute criminalité.
Ce thriller haletant n’est pas seulement une enquête : c’est une descente dans l’obscurité des familles toxiques, des violences faites aux femmes, et des silences complices de toute une élite.
Un bijou noir à ne pas manquer
Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes est plus qu’un simple thriller : c’est un cri de rage, une œuvre stylisée et militante, servie par une réalisation impeccable et un duo d’acteurs inoubliables. David Fincher, en adaptant ce roman culte, ne signe pas un simple divertissement, mais un film dense, parfois éprouvant, toujours captivant.
Pour ceux qui cherchent une expérience de cinéma intense, intelligente, et dérangeante, Millénium est un incontournable. Une œuvre magistrale, à (re)voir pour redécouvrir la noirceur de l’âme humaine sous l’objectif clinique et précis d’un des plus grands réalisateurs contemporains.
Un récit plus psychologique que policier
Le scénario, écrit par Steven Zaillian (La Liste de Schindler), reste fidèle à la trame originale : le journaliste d’investigation Mikael Blomkvist (Daniel Craig) est recruté par un patriarche d’une grande famille industrielle suédoise pour élucider la disparition, 40 ans plus tôt, de sa nièce. Il s’associe à la mystérieuse Lisbeth Salander (Rooney Mara), hackeuse géniale et traumatisée, dont l’apparence gothique dissimule une intelligence hors normes et une profonde souffrance.
Mais là où la version suédoise de 2009 (avec Noomi Rapace) optait pour un suspense brut et frontal, Fincher choisit l’introspection. L’intrigue policière, parfois secondaire, devient un prétexte pour explorer les failles psychologiques de ses deux protagonistes. Blomkvist, peu charismatique sur le papier, devient ici le reflet de l’obsession pour la vérité qui hantait déjà le Robert Graysmith de Zodiac. Quant à Lisbeth, elle incarne une figure féminine puissante, blessée mais déterminée, l’une des plus fascinantes de toute la filmographie de Fincher.
Rooney Mara, révélation d’un rôle culte
Rooney Mara, alors peu connue, livre une performance sidérante. Physiquement métamorphosée, elle incarne Lisbeth avec une intensité rare, oscillant entre fragilité et fureur froide. Son interprétation lui vaudra une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice. Elle donne une profondeur bouleversante à ce personnage énigmatique, brisé par un passé violent, mais qui retrouve peu à peu une forme d’humanité dans sa relation complexe avec Blomkvist.
Face à elle, Daniel Craig est volontairement en retrait. Loin du glamour de James Bond, il campe un journaliste tenace mais vulnérable, apportant une sobriété bienvenue à ce rôle. Le reste du casting brille également : Stellan Skarsgård en héritier trouble de la famille Vanger est glaçant, tandis que Christopher Plummer impose un charme sombre en patriarche torturé.
Une mise en scène clinique, une narration maîtrisée
Fincher ne fait jamais les choses à moitié. Chaque plan est pensé, découpé avec une précision chirurgicale. La bande-son composée par Trent Reznor et Atticus Ross (déjà oscarisés pour The Social Network) enveloppe l’ensemble d’une atmosphère glaciale, presque industrielle. Le générique d’ouverture, véritable clip sous adrénaline, annonce la couleur : violence, sexualité, domination et rébellion s’entrelacent dans une explosion visuelle mémorable.
La réalisation est virtuose, mais certains critiques lui ont reproché un manque d’émotion, une froideur trop calculée. Le montage, très fluide, maintient la tension malgré une durée conséquente (2h38). Fincher réussit l’exploit de rendre captivantes des scènes de recherches d’archives ou de recoupements d’indices, habituellement peu cinégéniques. Toutefois, certains spectateurs ont pointé une sensation de déjà-vu dans le déroulement de l’enquête, parfois trop classique et prévisible.
Innovant ou remake inutile ? Le débat critique
L’un des reproches récurrents à l’égard du film tient à sa nature même : fallait-il vraiment refaire Millénium deux ans après la version suédoise ? Pour certains, Fincher a sublimé le matériau d’origine en l’inscrivant dans son univers, en affinant le style, en densifiant les personnages. Pour d’autres, ce remake reste trop proche du roman et n’apporte pas de vraie valeur ajoutée, si ce n’est visuelle
Pourtant, l’approche de Fincher, plus psychologique que policière, apporte un contrepoint intéressant. Il fait de Lisbeth Salander le cœur du film, la pierre angulaire de son discours sur le pouvoir, la violence et la résilience féminine. Dans une société minée par les abus, son combat solitaire devient emblématique. Le film pose la femme comme figure de résistance, de manière presque politique.
Un film salué mais boudé par les récompenses
Malgré une critique globalement favorable et un accueil correct du public, le film n’a pas rencontré le succès commercial espéré. Avec un budget estimé à 90 millions de dollars, Millénium en a rapporté environ 232 millions dans le monde, un score honnête mais modeste pour une production de cette envergure. Il a reçu plusieurs nominations aux Oscars (dont celle de Rooney Mara), et a remporté celui du meilleur montage
Le manque de suite immédiate à cette adaptation a longtemps laissé planer un doute sur la volonté de Fincher de poursuivre la trilogie. Finalement, Sony a opté pour un reboot en 2018 avec Millénium : Ce qui ne me tue pas, réalisé par Fede Álvarez et sans Fincher ni Mara, qui passera relativement inaperçu.
Un diamant noir imparfait mais marquant
Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes s’impose comme une œuvre de transition dans la filmographie de Fincher. Moins personnel qu’un Fight Club, moins novateur qu’un Gone Girl, mais tout aussi habité par ses obsessions : la vérité, l’obsession, la solitude et la violence structurelle. C’est aussi une œuvre traversée par une réflexion sur la condition féminine, incarnée par une Lisbeth Salander inoubliable.
Le film est une expérience sensorielle froide mais saisissante, portée par une mise en scène magistrale et un duo d’acteurs aussi étrange qu’efficace. Malgré quelques longueurs et une intrigue prévisible, Millénium parvient à captiver, à déranger, à fasciner.
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Je suis Guillaume, critique de films passionné dont les analyses incisives et captivantes enrichissent le monde du cinéma. Avec un flair pour déceler les subtilités artistiques, je partage mes réflexions à travers des critiques percutantes et réfléchies. Mon expertise, alliée à une plume élégante, fait de moi une voix influente dans l'univers cinématographique.
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