
Une entrée en matière qui frappe l’œil
Light Chaser Animation revient en force après le succès de New Gods: Nezha Reborn avec New Gods: Yang Jian, un blockbuster d’animation qui transforme un héros mythique — Yang Jian (Erlang Shen) — en chasseur de primes mélancolique au cœur d’un monde steampunk et fantastique. Le film séduit d’emblée par son ambition visuelle : décors foisonnants, VFX spectaculaires et chorégraphies d’action conçues pour épater autant qu’elles servent la narration. Mais derrière la débauche d’images se pose la question qui intéresse tout critique : l’exercice tient-il la route narrativement et thématiquement, ou la virtuosité technique finit-elle par masquer des faiblesses de fond ?
De quoi parle New Gods: Yang Jian ?
Treize années après avoir emprisonné sa sœur sous une montagne, Yang Jian vit reclus et survit comme chasseur de primes. Lorsque Wanluo engage Yang Jian pour récupérer la lampe de contentement universel, sa mission le mène à croiser Chenxiang — un jeune homme déterminé à libérer sa mère, quitte à déclencher un chaos libérateur. L’intrigue déroule ainsi un périple entre quête familiale, affrontements surnaturels et révélations sur un passé commun qui lie dieux et humains. Le film se place en préquelle / extension du « New Gods universe » initié par Nezha Reborn, réinvente des motifs classiques du cycle Investiture of the Gods et les transpose dans une tonalité plus « pulp » et industrielle.
Le réalisateur : Zhao Ji et la filiation Nezha — un architecte de mondes
Le réalisateur Zhao Ji (parfois crédité Ji Zhao en Occident) poursuit ici le travail amorcé avec New Gods: Nezha Reborn : transposer des figures de la mythologie chinoise dans un univers visuel contemporain et codifié. Zhao Ji fait preuve d’un savoir-faire manifeste pour métisser références classiques et influences steampunk/cyberpunk, ordonnant une géographie du merveilleux peuplée de machines, de bannières et d’ombres. Son cinéma tient d’abord de la direction artistique : construire des espaces où l’action peut se déployer avec lisibilité tout en offrant des motifs iconographiques puissants. Sur le plan narratif, Zhao Ji n’entame pas une révolution formelle, mais il impose une signature liée à la densité du monde et à l’économie du spectaculaire.
Réalisation internationale
Produit par Light Chaser Animation — déjà responsable des précédents succès du studio — New Gods: Yang Jian a été réalisé en production numérique poussée, avec un workflow moderne mêlant équipes locales et collaborations distantes. La production a atteint son pic en 2021–2022, avec des unités travaillant en parallèle sur modélisation, animation, éclairage et VFX ; des solutions de travail à distance (Splashtop et solutions similaires) ont permis de synchroniser la post-production et de respecter les échéances. Techniquement, le film cumule des centaines, voire des milliers, de plans à effets spéciaux, des simulations de fluides et une direction artistique qui combine textures réalistes et palettes picturales — un équilibre entre graisse numérique et « toucher » artistique. Ces éléments témoignent d’une usine de production au standard international.
Direction artistique ambitieuse
Visuellement, Yang Jian est un coup de maître technique : les décors respirent, les éclairages sculptent les volumes et les créatures — dragons, démons, chimères — sont rendues avec un souci du détail qui accroche le regard. Le parti pris steampunk (machines, tuyauteries, bateaux-vapeur) apporte une fraîcheur stylistique au matériau mythologique et crée une distance bienvenue avec des adaptations trop « traditionnelles ». Le montage d’action est ciselé pour maximiser la lisibilité : poursuites, combats rapprochés et affrontements surnaturels sautent à l’écran sans confusion. Cette virtuosité plastique est la carte maîtresse du film et, à elle seule, justifie une projection en grand format. Plusieurs critiques ont d’ailleurs salué l’inventivité visuelle même quand elles restaient plus réservées sur la diégèse.
Performances originales et doublage international
Sur le plan vocal, la version mandarin met en scène des comédiens chinois reconnus (parmi eux Wang Kai pour Yang Jian dans la version originale), tandis que la distribution internationale (GKIDS aux États-Unis) a produit un doublage anglais soigné — Nicholas Andrew Louie prête sa voix au personnage titre dans la version GKIDS — permettant une circulation aisée du film hors de Chine. Les interprètes rendent justice à l’écriture : Yang Jian oscille entre cynisme et regret, Chenxiang incarne une jeunesse obstinée, et Wanluo reste l’énigmatique catalyseur des événements. Les doubleurs, tant mandarin qu’anglais, travaillent sur des registres expressifs qui participent à la lisibilité des enjeux émotionnels, même si la densité du récit laisse parfois moins d’espace pour des développements intimes.
Richesse mythologique, mais souffle inégal
Narrativement, Yang Jian joue sur une double pulsion : d’un côté, la tentation du « blockbuster » — enjeux clairs, combats, révélations — et de l’autre, la fidélité à une toile mythique complexe. Résultat : la première moitié du film fonctionne souvent comme un ride haletant — beaucoup d’action, de surprises visuelles, d’ambiances — tandis que la deuxième tente de refermer les motifs familiaux et moraux avec plus d’ampleur. Plusieurs voix critiques (et spectateurs) ont noté que l’ampleur de la mythologie et la multiplicité des personnages compliquent la lisibilité et que le récit, à force d’élargir son échelle, laisse parfois des arêtes dramatiques non poliess. Autrement dit : le film a l’ambition d’un cycle, ce qui l’enrichit, mais aussi l’alourdit.
Innovation de ton plus que d’invention radicale
Faut-il parler d’innovation ? Oui, mais de manière nuancée. Yang Jian n’invente pas une nouvelle grammaire de l’animation : le film suit des recettes éprouvées du cinéma d’action animé. Là où il se distingue, c’est par la réinvention iconographique — l’habillage steampunk et l’esthétique « néo-mythologique » — et par l’ampleur d’un univers qui se veut interconnecté (l’univers New Gods). En outre, la capacité du studio à produire, à l’échelle chinoise, des images de cette qualité place le film parmi les jalons contemporains de l’animation non occidentale, montrant qu’un cinéma animé chinois peut rivaliser en spectacle et en ambition technique avec les géants internationaux. L’innovation est donc plus culturelle et industrielle que radicalement formelle.
Parfois trop de zapping narratif
Le revers de cette ambition visuelle est que la narration s’appuie sur un faisceau d’ellipses et de raccourcis pour tenir la durée. Plusieurs critiques ont relevé un sentiment d’« excès de monde » : personnages nombreux, ramifications mythologiques, et sous-histoires qui auraient mérité des respirations supplémentaires. La longueur (environ deux heures) pèse à certains moments, surtout quand une scène d’exposition vient temporiser le dynamisme acquis précédemment. Ces choix ne rendent pas le film « mauvais » mais créent des moments où la cohérence émotionnelle s’essouffle.
Visuel encensé, récit discuté
À sa sortie en Chine (19 août 2022) Yang Jian a rencontré un accueil commercial solide et une attention critique notable : le film a été l’un des succès locaux de l’été, affichant des recettes importantes et une présence notable en salles. À l’international, la reprise par GKIDS et la sortie en Amérique du Nord ont permis à un public plus large d’en juger la puissance visuelle. Les critiques convergent : louanges pour la direction artistique, remarques plus prudentes sur la cohérence narrative. Roger Ebert, entre autres, a salué l’inventivité graphique tout en notant des faiblesses de narration ; les agrégateurs montrent un consensus mitigé mais globalement orienté vers l’appréciation visuelle.
Box-office et reconnaissance
Sur le plan économique, New Gods: Yang Jian a franchi la barre des dizaines de millions de dollars au box-office mondial (chiffres consolidate autour de ~82 M$ selon les agrégateurs), et a tenu tête à plusieurs concurrentes internationales lors de sa fenêtre de sortie en Chine. Côté récompenses, le film a été distingué dans des circuits asiatiques : il a notamment été honoré lors d’événements comme le China International Comics & Animation Festival (Golden Dragon) et a reçu une mention / prix au Shanghai International Film Festival dans la catégorie animation. Ces distinctions confirment la reconnaissance institutionnelle pour la qualité technique et la place du film dans l’animation contemporaine chinoise.
Spectacle ambitieux, émotion à polir
New Gods: Yang Jian est un film qui impose le respect pour sa capacité à imaginer un monde riche et à le rendre avec une maîtrise technique impressionnante. C’est un film-objet visuel : on vient pour l’émerveillement et la puissance des images. Là où il peut frustrer, c’est dans sa propension à vouloir tout embrasser — histoire familiale, mythologie composite, enjeux cosmiques — au risque de diluer l’émotion individuelle. Pour le spectateur intéressé par la dimension spectaculaire et par la revisitation moderne de la mythologie chinoise, le film est une réussite marquante ; pour le spectateur cherchant une narration resserrée et une profondeur psychologique systématique, il pourra paraître inégal. En somme : un incontournable pour les amateurs d’images et un film stimulant, parfois maladroit, mais qui confirme la montée en puissance d’un cinéma d’animation chinois ambitieux.
Spectacle animé
Aller voir New Gods: Yang Jian aujourd’hui, c’est assister à une étape importante : l’affirmation d’un studio et d’un cinéma capables de produire des spectacles d’envergure mondiaux tout en réinventant des motifs culturels autochtones. Le film n’est pas parfait, mais il est généreux, fougueux et visuellement inventif — des qualités qui, à elles seules, méritent la curiosité. Si vous aimez les univers foisonnants, les batailles chorégraphiées et la mythologie revisitée, laissez-vous tenter ; vous en ressortirez avec des images en tête et l’envie d’en parler.
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Je suis Claire, critique passionnée avec un regard acéré pour les détails artistiques. Mes critiques mêlent profondeur et élégance, offrant des perspectives uniques sur les médias. Avec une plume raffinée et une compréhension fine des œuvres, je m'efforce d'enrichir le dialogue et d'éclairer les spectateurs.
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