William Tell : l’épopée sanglante qui cherche à réinventer le mythe

Films / Publié le 7 septembre 2025 par Salvador
Temps de lecture : 9 minutes

Une entrée en matière qui promet grandeur et controverse

Dès les premières images, William Tell pose son ambition : reprendre la légende au grand écran en lui rendant sa physicalité et son souffle épique. Écrit et réalisé par Nick Hamm, ce film historique a choisi une tonalité volontiers « old school » — batailles à grande échelle, dialogues codés et scènes d’honneur — tout en tentant quelques retouches contemporaines du mythe (personnages inventés, retours sur le passé de Tell pendant les Croisades). Claes Bang incarne l’archer-titulaire et porte la charge physique et symbolique du film, entouré d’un casting international où figurent des noms comme Golshifteh Farahani, Connor Swindells, Jonathan Pryce et Ben Kingsley. Ces éléments de production et de casting sont confirmés dans les fiches publiques du film.

Quand la flèche devient révolte

Le film nous replonge au début du XIVe siècle, dans une Suisse occupée par la maison des Habsbourg. La population ploie sous l’autorité d’un pouvoir brutal ; la figure de William Tell émerge comme celle d’un chasseur fatigué par les horreurs de la guerre, notamment ses expériences passées en Palestine. L’intrigue s’articule autour d’un acte inaugural — l’assassinat ou la révolte d’un fonctionnaire autrichien selon les variants du récit — et du choix de Tell d’aider un fugitif, geste qui le propulse en leader malgré lui. Le schéma narratif conjugue batailles, tension politique et scènes plus intimes : amour, loyautés fracturées, trahisons de cour. L’adaptation tire aussi sa matière de la pièce de Friedrich Schiller, tout en ajoutant des figures et des éléments de contexte que le film revendique comme une manière d’élargir la portée du personnage.

Nick Hamm : l’artisan qui voulait un grand spectacle

Nick Hamm, scénariste et réalisateur du film, n’est pas un débutant : sa filmographie comporte des titres aux registres variés et à l’approche classique du récit, de The Journey à Driven. Avec William Tell, Hamm se positionne clairement dans la filiation de ces cinéastes qui remettent l’artisanat au premier plan — mise en scène lisible, séquences d’action chorégraphiées, direction d’acteurs très encadrée. Sa signature ici est double : d’un côté, une envie de rendre hommage aux films d’aventure historiques ; de l’autre, le désir d’actualiser la figure du héros en lui donnant une histoire intime et conflictuelle. Le fait que Hamm ait à la fois écrit et dirigé le film donne à l’ensemble une unité de ton, parfois toquée — entre le pastiche bardé d’images fortes et la tentative sincère d’un récit national. Les crédits officiels confirment son rôle central dans l’écriture et la réalisation.

Un casting large et international : têtes connues et révélations

La distribution de William Tell est à la fois un pari commercial et un choix esthétique. Claes Bang, tête d’affiche, apporte sa stature froide et son jeu souvent retenu ; à ses côtés, Golshifteh Farahani incarne Suna, épouse imaginée de Tell et nœud dramatique essentiel qui permet d’ouvrir le récit à des questions d’identité et de guerre de religion. Connor Swindells compose un Gessler cruel, et des rôles importants sont tenus par Ellie Bamber, Jonah Hauer-King, Rafe Spall, Emily Beecham, Jonathan Pryce et Ben Kingsley. Ensemble, ces comédiens dessinent une géographie de pouvoir — nobles, mercenaires, paysans — où chaque visage, même secondaire, participe à la construction d’un monde médiéval spectaculaire. Les fiches de production et les annonces festivalières précisent cette distribution étoffée.

Filmer le Moyen Âge aujourd’hui : décors, lieux et savoir-faire

La production a opté pour des décors naturels et des plateaux européens, avec un tournage principalement réalisé en Italie (notamment en Alto Adige / South Tyrol), région souvent choisie pour ses paysages alpins et son architecture médiévale bien préservée. Le choix du lieu confère au film une présence paysagère forte : montagnes, lisières de forêts et plaines ouvertes deviennent autant de personnages. La photographie signée Jamie D. Ramsay et la musique de Steven Price achèvent le tableau technique, cherchant à donner à l’ensemble une épaisseur visuelle et sonore digne d’un grand spectacle. Les sources de production indiquent clairement ces choix de lieux, équipes et collaborateurs techniques.

Entre souffle épique et clin d’œil moderne

Sur la forme, Hamm alterne les scènes massives — charges, siéges, assauts — et les instants plus microscopiques : la tension familiale, les dialogues courtois, l’énonciation politique. Le montage privilégie parfois la continuité pour laisser l’action respirer, parfois des cuts plus brutaux pour souligner la violence. Les séquences d’affrontement sont chorégraphiées avec une énergie qui rappelle un cinéma d’aventure classique, mais elles sont aussi parées de touches contemporaines dans le cadrage, les éclairages et le mixage sonore. Ce mélange crée un sentiment ambivalent : l’œil reconnaît la machine du cinéma historique, mais le geste du réalisateur cherche à l’actualiser sans renier l’héritage. Les critiques rencontrées en festival ont d’ailleurs relevé cette double nature formelle.

Quoi de neuf au mythe

L’un des choix scénaristiques les plus discutés est l’ajout d’un passé de Tell durant les Croisades et l’introduction d’une épouse originaire du Levant, Suna. Cette invention narrative vise à complexifier le personnage : Tell n’est pas seulement un paysan-soldat, il est aussi un homme marqué par la guerre et par des rencontres multiculturelles. En outre, le film tente d’insérer la figure de Tell dans une lecture européenne plus vaste, où les alliances, les trahisons et les enjeux dynastiques dépassent la simple légende nationale. Ces options donnent au récit une actualité — questions d’identité, rapports de force interreligieux, répercussions de la guerre — tout en ouvrant la possibilité d’une franchise ou d’une saga si le public suit. Plusieurs critiques ont relevé ce positionnement résolument contemporain du mythe.

Les acteurs tiennent-ils leurs rôles ? Un jeu entre intensité et retenue

Sur la plupart des plans, les performances se tiennent. Claes Bang est physique et mesuré ; il compose un Tell plus taciturne que l’héroïque criard de la tradition, ce qui peut déstabiliser mais confère aussi une gravité monolithique au protagoniste. Golshifteh Farahani apporte une présence lumineuse et une complexité bienvenue, faisant de Suna une contre-figure qui humanise Tell. Connor Swindells est un antagoniste efficace, tandis que les « vétérans » Jonathan Pryce et Ben Kingsley ajoutent une densité de plateau qui élève certaines scènes politiques ou de conseil. Les retours critiques sont partagés : certains regretteront un jeu parfois trop contenu pour des enjeux aussi grandiloquents, d’autres salueront la discipline et la cohérence du ton. Les critiques britanniques publiées lors de la sortie offrent un panorama nuancé de ces lectures.

Premiers retours contrastés

William Tell a été présenté en avant-premières et festivals — dont une présence marquée à Toronto ainsi qu’à d’autres rendez-vous — avant d’entamer sa carrière en salles limitées. Les journalistes ont salué l’ambition et l’allure visuelle du film, tout en émettant des réserves sur la consistance du script et certains choix de ton. Pour certains commentateurs, le film fonctionne comme un divertissement historique qui se lâche parfois dans le spectaculaire ; pour d’autres, il peine à trouver une voix résolument neuve malgré ses intentions. Les comptes rendus de festival et la presse spécialisée illustrent cette réception mitigée, qui n’empêche pas le film d’exister comme proposition forte dans le paysage des productions historiques récentes.

Une carrière encore à faire

À l’heure des premières diffusions publiques, William Tell ne s’est pas encore constitué un palmarès pléthorique de récompenses majeures. Le film a cependant fait la tournée des festivals et été remarqué pour sa photographie et sa dimension spectaculaire. Les producteurs ont surtout joué la carte d’un lancement en festival pour susciter l’intérêt des distributeurs et du public plutôt que de privilégier une course aux trophées. En l’état, la trajectoire prix du film semble encore ouverte et dépendra autant de la réception publique que des futures sélections en festivals régionaux. Les fiches officielles attestent des présentations en festival sans lister de lauriers significatifs au moment de cette publication.

Un démarrage modeste mais stratégique

Les sorties commerciales du film ont été plutôt segmentées : plusieurs dates européennes en janvier 2025 puis d’autres fenêtres de diffusion selon les territoires. Les bilans initiaux font état d’un box-office modeste — quelques centaines de milliers de dollars au niveau mondial sur les premières semaines — ce qui est cohérent avec une stratégie de sortie limitée et une distribution qui vise d’abord les marchés européens et les plateformes partenaires. Il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur la longévité financière du film : l’exploitation en VOD et l’éventualité d’une sortie physique pourront redistribuer les cartes. Les bases de données publiques font état de résultats financiers limités sur la fenêtre initiale.

Un geste ambitieux, parfois inégal, mais souvent spectaculaire

Sur le plan critique, William Tell est un film de bifurcation. Il revendique la grande fresque et, pour la plupart, tient sa promesse visuelle : costumes soignés, batailles lisibles, paysages qui donnent de la hauteur. Là où il hésite, c’est dans l’équilibre du récit : entre la fidélité au mythe et les inventions narratives, entre un style parfois pastiche et une tentative sincère de renouveler le héros, le film ne trouve pas toujours son point d’équilibre. Pourtant, si l’on accepte le pari formel et si l’on vient pour l’épopée plutôt que pour une relecture strictement « historique », la proposition divertit et parfois surprend. En ce sens, Hamm signe un film qui mérite d’être vu pour son ambition et son goût du grand spectacle, même si tout n’y est pas parfaitement aligné.

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