
Jim Abrahams est un nom que tous les amoureux de l’humour absurde connaissent, même sans le savoir. Réalisateur, scénariste et producteur, il est l’un des artisans majeurs de la comédie parodique moderne aux États-Unis. Avec ses acolytes David et Jerry Zucker, il a signé certains des films les plus hilarants et culte du cinéma comique américain, de Y a-t-il un pilote dans l’avion ? à Hot Shots!, en passant par Y a-t-il un flic pour sauver la reine ?. Véritable maître du non-sens maîtrisé, Jim Abrahams a marqué des générations de spectateurs avec un humour visuel, rythmé, référentiel et totalement déjanté.
Une formation entre amis et un style en trio
Jim Abrahams est né le 10 mai 1944 à Shorewood, dans le Wisconsin. Très tôt passionné par l’écriture et la comédie, il fait ses armes dans le théâtre universitaire. Mais c’est à Milwaukee qu’il rencontre David et Jerry Zucker, deux frères avec lesquels il fonde le groupe Kentucky Fried Theater au début des années 70. Ensemble, ils créent des sketchs délirants, souvent absurdes, dans un style influencé à la fois par les Monty Python britanniques et la satire politique américaine.
Leur première œuvre cinématographique commune, The Kentucky Fried Movie (1977), réalisée par John Landis mais écrite par le trio, est une compilation de fausses bandes-annonces, parodies de films d’action et publicités absurdes. Ce long-métrage connaît un succès surprise et devient un film culte underground. Il pose les bases d’un humour référentiel, éclaté, qui va bientôt révolutionner Hollywood.
Airplane! : la naissance d’un genre culte
En 1980, Jim Abrahams et les frères Zucker réalisent Airplane! (Y a-t-il un pilote dans l’avion ?), une parodie du film catastrophe Zero Hour! (1957), mais revisitée avec un humour ravageur. Le film devient un phénomène mondial. Il introduit un style comique basé sur l’absurde, le slapstick, les jeux de mots, les gags visuels constants, et surtout, des personnages qui gardent un sérieux imperturbable au milieu de situations totalement loufoques.
La performance de Leslie Nielsen, acteur jusqu’alors cantonné aux rôles dramatiques, est une révélation comique. Il devient l’icône du genre. Airplane! redéfinit ce qu’est une comédie au cinéma : désormais, on peut rire à chaque plan, à chaque réplique, à chaque arrière-plan.
Le film devient l’un des plus rentables de l’histoire du genre, et fait de Jim Abrahams un maître de la parodie.
Le style « ZAZ » : un label culte
Le trio Zucker-Abrahams-Zucker (souvent désigné par l’acronyme « ZAZ ») devient synonyme d’humour à haut débit. Leur signature est reconnaissable entre mille : pas de temps morts, un enchaînement de gags à la seconde, une parodie assumée de tous les codes du cinéma hollywoodien, et un casting toujours très premier degré.
En 1984, ils signent Top Secret!, une parodie de films d’espionnage et de guerre, qui combine l’univers de Casablanca avec celui d’Elvis Presley. Bien qu’un peu moins populaire à sa sortie que Airplane!, le film est aujourd’hui considéré comme un bijou du genre par les fans.
Jim Abrahams en solo : Hot Shots! et le sommet de la parodie
Dans les années 1990, Jim Abrahams se lance dans des projets en solo, tout en conservant l’esprit ZAZ. En 1991, il réalise Hot Shots!, une parodie des films d’action militaires comme Top Gun. Avec Charlie Sheen en héros musclé mais complètement idiot, le film est un feu d’artifice de gags visuels, de références cinématographiques et de détournements absurdes.
Le succès est immense, et Abrahams enchaîne avec Hot Shots! Part Deux (1993), cette fois en s’attaquant à Rambo et aux films de guerre. Le film pousse encore plus loin l’absurde, et devient l’un des plus aimés des amateurs du genre.
Ces œuvres font de Jim Abrahams un maître incontesté de la parodie cinématographique. Il ne s’agit pas simplement de faire rire : il s’agit de démonter les mythes hollywoodiens avec précision, tout en créant un univers burlesque cohérent et hilarant.
Un tournant plus personnel
À partir du milieu des années 90, Jim Abrahams ralentit son activité de réalisateur, en partie pour des raisons personnelles. Son fils, Charlie, souffre d’une forme sévère d’épilepsie. Face à l’inefficacité des traitements traditionnels, Jim découvre le régime cétogène, qui permet à son fils de retrouver une vie normale. Touché par cette expérience, il fonde la Charlie Foundation pour promouvoir ce traitement alimentaire dans la lutte contre l’épilepsie.
Il réalise même un téléfilm dramatique en 1997, First Do No Harm, avec Meryl Streep, basé sur cette expérience. Ce film, bien loin de ses comédies délirantes, montre une autre facette de l’artiste : celle d’un père engagé, capable de mettre sa notoriété au service d’une cause vitale.
Héritage comique et influence durable
Jim Abrahams n’a jamais été un réalisateur prolifique, mais chacun de ses films a marqué la comédie américaine. Son influence est énorme : sans lui, pas de Scary Movie, pas de Austin Powers, pas de Deadpool ou même de certaines formes d’humour sur YouTube. Les réalisateurs comme les Frères Wayans ou Adam McKay lui doivent beaucoup.
Son humour, visuel, rapide, et souvent complètement absurde, a aussi inspiré des séries comme Brooklyn Nine-Nine, 30 Rock ou encore Community, qui n’hésitent pas à utiliser des codes ZAZ dans des formats plus modernes.
Une légende discrète
Jim Abrahams ne court pas après la gloire. Peu présent dans les médias, il reste pourtant une figure culte pour toute une génération. Son nom est souvent cité avec admiration par les humoristes, les scénaristes et les cinéphiles qui cherchent encore aujourd’hui à recréer la magie de ses films.
Il a su prouver qu’on pouvait faire de l’humour intelligent avec de la stupidité apparente, que l’absurde peut être précis, et que faire rire demande une vraie rigueur d’écriture et de mise en scène.
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