Le conteur des ados perdus et des révolutions intérieures
Jonathan Entwistle, né le 6 mars 1984 à Londres, est un réalisateur, scénariste et producteur britannique qui s’est imposé comme l’une des voix les plus originales de la nouvelle génération de cinéastes. Son univers, à la fois pop, mélancolique et d’une ironie acérée, explore la confusion identitaire, les tourments de l’adolescence et la violence douce de la modernité.
Diplômé du Royal College of Art de Londres, Entwistle commence sa carrière dans la photographie et les courts-métrages. Très tôt, il s’intéresse à la manière dont les jeunes vivent leurs émotions dans un monde saturé d’images et de contradictions. Cette sensibilité visuelle et émotionnelle devient sa signature : une esthétique sobre, des plans composés comme des tableaux, et un ton oscillant entre humour noir et tendresse désabusée.
Son premier grand projet, The End of the F**ing World* (2017), adapté du roman graphique de Charles Forsman, le propulse sur la scène internationale. La série, coproduite par Channel 4 et Netflix, suit deux adolescents marginaux — James (Alex Lawther), persuadé d’être un psychopathe, et Alyssa (Jessica Barden), en fuite de sa vie monotone. Ensemble, ils entreprennent un road trip à la fois violent, absurde et poétique.
Entwistle y déploie tout son art : un rythme nerveux, des dialogues minimalistes, une bande-son rétro soigneusement choisie, et un mélange détonnant de romantisme et de nihilisme. Le résultat est une œuvre unique, acclamée par la critique pour sa mise en scène précise et sa capacité à sublimer la solitude adolescente sans jamais la juger. La série devient culte, séduisant un public mondial par sa lucidité et son style anticonformiste.
Fort de ce succès, Entwistle poursuit sa collaboration avec Netflix et adapte à nouveau une bande dessinée de Charles Forsman : I Am Not Okay With This (2020). Cette fois, il plonge dans le fantastique pour raconter l’histoire de Sydney Novak (Sophia Lillis), une adolescente en colère découvrant qu’elle possède des pouvoirs télékinétiques. Sous des airs de série fantastique à la Carrie, Entwistle livre une réflexion profonde sur le deuil, la honte et le passage à l’âge adulte.
Sa mise en scène y est d’une précision remarquable : l’éclairage doux contraste avec la violence des émotions, et les silences deviennent des espaces de tension. Fidèle à son style, il filme les jeunes non pas comme des caricatures rebelles, mais comme des êtres complexes, fragiles et authentiques.
En parallèle, Jonathan Entwistle développe plusieurs projets ambitieux. En 2020, il est choisi par Netflix et eOne pour superviser un univers cinématographique autour de Power Rangers — une réinvention complète mêlant films et séries connectées. Ce projet témoigne de sa capacité à passer d’un cinéma intimiste à une vision plus vaste, tout en conservant une cohérence émotionnelle et visuelle.
Entwistle est souvent décrit comme un « poète du malaise adolescent ». Là où d’autres cherchent le spectaculaire, lui filme l’invisible : un regard, un silence, une hésitation. Son travail s’inscrit dans la lignée d’auteurs comme Sofia Coppola ou Richard Ayoade, qui savent capturer la mélancolie contemporaine avec pudeur et ironie.
Malgré son jeune âge, il a déjà imposé une grammaire cinématographique reconnaissable :
- Une esthétique pastel et mélancolique, mêlant nostalgie et modernité.
- Une écriture minimaliste, où chaque mot compte.
- Une direction d’acteurs subtile, laissant une grande place à l’improvisation et à la vulnérabilité.
Son cinéma — et sa télévision — parlent à une génération désabusée mais en quête de sincérité. Dans les univers d’Entwistle, les adolescents ne sont pas de simples victimes du monde adulte : ils en sont les miroirs les plus justes, oscillant entre colère, amour et confusion.
En somme, Jonathan Entwistle est l’un de ces rares créateurs capables de transformer le chaos intérieur en art poétique. Il observe ses personnages avec une tendresse lucide, et c’est cette humanité silencieuse, presque pudique, qui fait de lui une voix singulière et nécessaire du cinéma contemporain.
Aujourd’hui, entre projets indépendants et productions de grande envergure, il continue de tracer sa voie avec la même exigence : raconter la jeunesse telle qu’elle est — belle, brisée, drôle et infiniment humaine.
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