Concussion (2015) : Quand Will Smith Défie la NFL dans un Thriller Médical Courageux Mais Trop Prudent

Films / Publié le 19 octobre 2025 par Charles-Henry
Temps de lecture : 15 minutes
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L-r, Will Smith, Alec Baldwin and Arliss Howard star in Columbia Pictures' "Concussion."

Le David contre Goliath du football américain

Concussion est un film biographique dramatique américain de 2015, écrit et réalisé par Peter Landesman, basé sur l’article d’investigation « Game Brain » de Jeanne Marie Laskas, publié en 2009 dans le magazine GQ. Situé dans les années 2000, le film met en vedette Will Smith dans le rôle de Bennet Omalu, un médecin légiste qui se bat contre la National Football League (NFL) tentant de supprimer ses recherches sur l’encéphalopathie traumatique chronique (CTE), une dégénérescence cérébrale subie par les joueurs de football professionnels.

Le film a été présenté en première au AFI Fest le 11 novembre 2015 et est sorti en salles par Columbia Pictures le 25 décembre 2015. Avec un budget estimé à 35 millions de dollars, Concussion a rapporté 48 millions de dollars au box-office mondial, un résultat décevant pour un film porté par une star de l’envergure de Will Smith.

En tant que critique de cinéma, Concussion représente un cas fascinant : un film important sur un sujet crucial, porté par une performance remarquable, mais dont l’impact est dilué par des choix narratifs trop conventionnels et une prudence excessive face à son sujet explosif.

Peter Landesman : Le journaliste devenu cinéaste

Peter Landesman n’est pas un réalisateur de cinéma traditionnel. Ancien journaliste d’investigation pour le New York Times Magazine, il a fait sa transition vers le cinéma avec des projets ancrés dans des événements réels et des scandales. Son premier film, Parkland (2013), racontait les heures suivant l’assassinat de JFK. Avec Concussion, il s’attaque à un autre géant américain : la NFL.

Cette approche journalistique transparaît dans la structure du film. Landesman construit son récit comme une enquête, suivant méthodiquement la découverte scientifique d’Omalu et son combat pour faire reconnaître la vérité. Le réalisateur dit n’avoir jamais traité avec la NFL : « Je n’ai jamais approché la NFL, je ne leur ai jamais demandé la permission pour quoi que ce soit. »

Cependant, cette rigueur journalistique a aussi ses limites. Le film manque parfois de souffle cinématographique, privilégiant l’exposition factuelle au drame viscéral. La structure traditionnelle du drame sportif est un peu trop sûre, comme l’ont noté plusieurs critiques.

La réalisation de Landesman est compétente mais rarement inspirée. Il filme Pittsburgh avec une lumière grise et industrielle qui capture l’atmosphère de la ville, mais ses choix visuels restent largement conventionnels. Les séquences les plus puissantes du film sont celles où il cède la place aux victimes réelles de la CTE, montrant la dégradation tragique d’anciens joueurs.

Will Smith : Une transformation physique et émotionnelle

Will Smith incarne Dr. Bennet Omalu, un médecin légiste nigérian-américain brillant mais naïf quant aux rouages du pouvoir américain. C’est l’un des rôles les plus ambitieux et les plus transformationnels de la carrière de Smith, loin de ses personnages charismatiques habituels.

Smith adopte un accent nigérian convaincant, modifie son langage corporel pour incarner la politesse formelle et la méticulosité d’Omalu, et délivre une performance tout en retenue et en dignité. Son Omalu n’est pas un héros flamboyant mais un scientifique obstiné guidé par la vérité et la compassion pour les morts qu’il autopsie.

La performance de Smith ancre le film émotionnellement. Le film est certainement une histoire très intrigante, rendue encore plus agréable par un groupe stellaire d’acteurs très engagés qui ont clairement fait leurs recherches pour leurs rôles. Smith capture particulièrement bien l’évolution d’Omalu, de l’immigrant idéaliste croyant au rêve américain à l’homme désabusé confrontant la corruption institutionnelle.

Cependant, la performance de Smith, aussi solide soit-elle, n’a pas été récompensée par une nomination aux Oscars, ce qui a surpris beaucoup d’observateurs et alimenté les controversies sur le manque de diversité à l’Académie (#OscarsSoWhite). Cette snoberie a probablement contribué à la sous-performance commerciale du film.

Des vétérans au service de l’histoire

Au-delà de Smith, Concussion bénéficie d’un casting de soutien impressionnant qui apporte crédibilité et profondeur au récit.

Alec Baldwin incarne Dr. Julian Bailes, un ancien neurochirurgien de la NFL qui devient allié d’Omalu. Baldwin apporte son autorité naturelle au rôle d’un initié qui se retourne contre le système.

Albert Brooks joue Dr. Cyril Wecht, le médecin légiste de Pittsburgh qui supervise Omalu. Brooks, excellent acteur dramatique souvent sous-estimé, crée un mentor complexe, à la fois admiratif du génie d’Omalu et conscient des dangers politiques de ses découvertes.

Gugu Mbatha-Raw incarne Prema Mutiso, la femme d’Omalu. Mbatha-Raw fait de Prema plus qu’une épouse patiente alors que l’hostilité contre Omalu et ses découvertes commence à monter. Elle apporte une humanité essentielle qui ancre le film dans le personnel au milieu du politique.

David Morse livre une performance déchirante en Mike Webster, l’ancien joueur des Steelers dont l’autopsie révèle la CTE pour la première fois. Morse capture la dégradation tragique d’un homme autrefois puissant réduit à vivre dans son camion, incapable de contrôler sa propre vie.

Luke Wilson joue Roger Goodell, le commissaire de la NFL, dans une performance sobre qui évite la caricature du méchant. Paul Reiser incarne Dr. Elliot Pellman, le médecin de la NFL qui nie les découvertes d’Omalu avec une obstination bureaucratique.

L’histoire vraie : CTE et le scandale NFL

Le cœur du film est l’histoire vraie de la découverte de l’encéphalopathie traumatique chronique (CTE) chez les joueurs de football professionnel. Bennet Omalu découvre la vérité sur les lésions cérébrales chez les joueurs de football qui subissent des commotions répétées au cours du jeu normal.

En 2002, Omalu pratique l’autopsie de Mike Webster, une légende des Pittsburgh Steelers décédée à 50 ans après des années de comportement erratique, de dépression et de démence. Contre toute attente, Omalu découvre dans le cerveau de Webster une dégénérescence qu’il finira par nommer CTE – une maladie causée par les traumatismes crâniens répétés.

Omalu publie ses découvertes dans une revue médicale prestigieuse, s’attendant naïvement à être remercié pour avoir identifié un problème de santé publique majeur. Au lieu de cela, il se heurte à un mur de déni, d’intimidation et de suppression orchestré par la NFL, une organisation pesant des milliards de dollars qui ne peut se permettre d’admettre que son sport cause des dommages cérébraux irréversibles.

Le film suit le combat d’Omalu pour faire reconnaître la CTE, document après document, autopsie après autopsie, face à une machine de relations publiques déterminée à le discréditer. C’est une histoire de David contre Goliath, du scientifique solitaire contre l’institution tout-puissante.

« Si j’avais vu ce film quand j’étais au lycée… je n’aurais jamais joué au football. » Cette déclaration de l’ancien joueur Pierre Woods capture l’impact potentiel du film et explique pourquoi la NFL a tenté de minimiser sa portée.

Un film sous pression de la NFL

La production de Concussion a été marquée par une controverse intense concernant l’influence présumée de la NFL sur le contenu du film. Des rapports ont suggéré que Sony Pictures avait édulcoré certains aspects pour éviter des poursuites judiciaires ou des représailles de la part de la NFL.

Le New York Times a rapporté que Sony avait pris des « mesures inhabituelles » pour éviter d’antagoniser la NFL, incluant l’embauche de consultants pour réviser le script et adoucir les critiques les plus virulentes. Peter Landesman a nié ces allégations, affirmant n’avoir jamais compromis son film.

Cette controverse soulève une question fondamentale : peut-on vraiment défier une institution aussi puissante que la NFL tout en dépendant du système hollywoodien pour distribuer le film ? La NFL génère des milliards de dollars et possède une influence culturelle et politique considérable. Un studio comme Sony ne pouvait ignorer les risques financiers et juridiques d’une confrontation directe.

Le résultat est un film qui critique la NFL mais de manière relativement édulcorée. Le film porte un coup solide et bien joué sur son sujet impressionnant d’actualité, même si sa structure traditionnelle de drame sportif est un peu trop sûre, résume bien ce compromis entre courage et prudence.

Au-delà du sport

Bien que centré sur le football, Concussion explore des thématiques universelles qui transcendent le sport.

L’intégrité scientifique versus les intérêts commerciaux : Le film pose la question cruciale de ce qui se passe quand la vérité scientifique menace des milliards de dollars. La NFL a nié pendant des années les liens entre football et lésions cérébrales, privilégiant les profits sur la santé des joueurs. C’est un schéma répété dans d’autres industries (tabac, pétrole, pharmaceutique).

Le rêve américain et ses limites : Omalu arrive en Amérique avec une foi naïve dans le système – il croit que la vérité et le mérite triomphent toujours. Sa désillusion progressive face à la corruption institutionnelle est déchirante. Le film suggère que le rêve américain a des limites quand on s’oppose aux intérêts des puissants.

La masculinité toxique et la culture du sacrifice : Le football américain glorifie la violence, le sacrifice du corps, le refus de montrer la douleur. Les joueurs qui développent la CTE sont victimes d’une culture qui valorise la brutalité et méprise la vulnérabilité. Le film questionne cette mythologie masculine destructrice.

Le coût humain du divertissement : Des millions d’Américains regardent le football chaque dimanche, mais à quel prix ? Le film force les spectateurs à confronter la réalité que leur divertissement cause des dommages irréversibles à de vraies personnes.

L’immigration et l’outsider perspective : Omalu, en tant qu’immigrant nigérian, voit l’Amérique avec un regard neuf. C’est précisément parce qu’il est un outsider qu’il peut remettre en question une institution que les Américains considèrent comme intouchable. Le film célèbre cette perspective étrangère comme source de vérité.

Entre thriller médical et drame judiciaire

Concussion structure son récit comme un hybride entre le thriller médical et le drame judiciaire. La première partie suit le processus scientifique de découverte – l’autopsie, l’analyse, la publication. C’est minutieux et fascinant pour ceux intéressés par la médecine légale.

Un film mettant en vedette du matériel assez aride – la science du cerveau, le combat d’un médecin pour prouver ses recherches à ses pairs et aux cadres corporatifs de la NFL – peut avoir des scènes assez terrifiantes. Les moments les plus puissants montrent les victimes réelles de la CTE, rendant tangible le coût humain de cette maladie.

La deuxième partie devient plus politique, suivant les efforts d’Omalu pour faire accepter ses découvertes face à l’opposition institutionnelle. C’est ici que le film perd un peu de son élan. Les confrontations restent largement verbales et bureaucratiques, manquant de la tension viscérale qu’un thriller réussi nécessiterait.

Le film est engageant et fascinant pendant une grande partie de ses deux heures. Le montage, par le lauréat d’un Oscar William Goldenberg (il a gagné pour « Argo »), maintient un rythme globalement solide, mais le film s’étire parfois, particulièrement dans le deuxième acte.

La fin est relativement ouverte, reflétant la réalité que le combat contre la CTE continue. Ce choix est honnête mais peut laisser les spectateurs frustrés, attendant une résolution plus cathartique.

Un film qui change la conversation

Au-delà de ses qualités cinématographiques, Concussion a eu un impact réel sur la conversation nationale concernant la sécurité dans le football. Le film a contribué à sensibiliser le grand public à la CTE et aux dangers des commotions répétées.

Depuis la sortie du film, la participation au football chez les jeunes a continué à décliner. Des parents à travers le pays reconsidèrent l’opportunité de laisser leurs enfants jouer à ce sport. Le film « Concussion » sorti en salles en décembre 2015 a changé la façon dont beaucoup de gens regardent les sports de contact comme le football.

La NFL elle-même a été forcée de reconnaître publiquement le lien entre football et CTE, après des années de déni. Le film a contribué à cette reconnaissance, même si le chemin vers des réformes significatives reste long.

Plusieurs procès collectifs impliquant des milliers d’anciens joueurs ont abouti à des règlements de centaines de millions de dollars. Ces victoires judiciaires doivent beaucoup à la visibilité apportée par le travail d’Omalu et par extension, ce film.

On aime…

Concussion est un bon film avec une intrigue raisonnablement bien développée et un casting fantastique. Plusieurs éléments méritent d’être salués :

La performance de Will Smith : Transformationnelle et profondément humaine, elle ancre le film émotionnellement.

L’importance du sujet : Le film aborde un problème de santé publique réel et significatif, contribuant à une conversation nationale essentielle.

La recherche et l’authenticité : Les scènes médicales sont crédibles, le processus scientifique respecté. Le film ne simplifie pas excessivement la science complexe.

Le casting d’ensemble : Chaque acteur apporte profondeur et nuance à son rôle, créant un monde crédible.

Les moments humains : Quand le film se concentre sur les victimes de la CTE et leurs familles, il touche profondément.

Le courage de s’attaquer à la NFL : Même avec des compromis, faire ce film représentait un risque considérable que peu de studios auraient pris.

… pas

Malgré ses qualités, Concussion souffre de plusieurs problèmes significatifs :

Une structure trop conventionnelle : Sa structure traditionnelle de drame sportif est un peu trop sûre pour mériter une vraie danse dans la end zone. Le film suit les beats prévisibles du genre sans jamais vraiment surprendre.

Un manque d’audace : Face à un sujet explosif, le film reste étonnamment sage. Il critique la NFL mais sans vraiment mordre. Les personnages de la NFL sont présentés comme des bureaucrates obtus plutôt que comme véritablement malveillants.

Un rythme inégal : Le film traîne par moments, particulièrement dans le deuxième acte où le combat d’Omalu devient répétitif.

Une fin frustrante : L’absence de résolution cathartique (compréhensible mais frustrante) laisse le spectateur sur sa faim.

Des simplifications : Pour rendre l’histoire accessible, le film simplifie certaines complexités scientifiques et politiques, ce qui peut frustrer les spectateurs informés.

La controverse sur l’édulcoration : Les rapports suggérant que Sony a adouci le film pour éviter les représailles de la NFL jettent une ombre sur le projet, questionnant son intégrité.

Critique positive, échec commercial

Sur le plan critique, Concussion a reçu un accueil généralement positif mais pas enthousiaste. Sur Metacritic, le film a un score de 55 sur 100, indiquant des critiques mitigées. Sur Rotten Tomatoes, il maintient un score décent mais pas exceptionnel.

Le film obtient 7.1 sur IMDb, suggérant que le public général l’a apprécié plus que les critiques professionnels. Ce décalage suggère que le sujet et la performance de Smith ont compensé les défauts structurels pour les spectateurs ordinaires.

Commercialement, cependant, le film a été un échec. Avec seulement 48 millions de dollars de recettes mondiales pour un budget de 35 millions (sans compter les coûts marketing), Concussion a perdu de l’argent. Plusieurs facteurs expliquent cette sous-performance :

  • Une sortie le jour de Noël, jour traditionnellement réservé aux films familiaux ou aux spectacles joyeux
  • La controverse NFL qui a peut-être dissuadé certains fans de football
  • Le sujet sérieux et déprimant, peu propice aux fêtes de fin d’année
  • L’absence de nomination aux Oscars pour Smith, qui aurait pu relancer l’intérêt

Un film important mais imparfait

Concussion est un film frustrant parce qu’il aurait pu – et devrait – être bien meilleur qu’il ne l’est. Le sujet est crucial, la performance centrale est excellente, le message est important. Mais le film est prisonnier de sa propre prudence, refusant de mordre aussi fort qu’il le devrait.

Concussion est un conte bien écrit et inspirant de David contre Goliath avec d’excellents éléments, mais il manque l’audace nécessaire pour devenir vraiment mémorable. C’est un bon film quand il aurait pu être grand.

Pour ceux intéressés par le sujet de la CTE, par le football américain, ou par les histoires vraies de lanceurs d’alerte, Concussion reste un visionnage essentiel. C’est un film éducatif qui ouvre les yeux, qui contribue à une conversation nationale importante.

Pour les cinéphiles cherchant une expérience cinématographique extraordinaire, le film décevra probablement. Il est trop conventionnel, trop prévisible, trop sage dans son approche.

Mais peut-être que l’importance du message transcende les défauts de l’exécution. Peut-être qu’un film imparfait qui change des vies vaut mieux qu’un film parfait qui ne change rien. Dans cette perspective, Concussion mérite d’être vu, célébré et discuté.

Notre verdict : Un drame biographique important porté par une performance remarquable de Will Smith, mais handicapé par une structure trop conventionnelle et un manque d’audace face à son sujet explosif. Concussion réussit en tant que sensibilisation à un problème de santé publique crucial, mais échoue à devenir le thriller politique viscéral qu’il aurait pu être. À voir pour son importance sociale et la transformation de Smith, mais avec des attentes modérées concernant l’audace cinématographique. Un film du devoir plus que de l’inspiration.

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Charles-Henry

En perpétuelle recherche de nouveautés culturelles en tout genre.

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