Le duel des légendes : The Unholy Trinity ressuscite le western … ou s’y enlise ?

Films / Publié le 28 juillet 2025 par Charles-Henry
Temps de lecture : 11 minutes
the-unholy-trinity

Dans un panorama cinématographique assoiffé de nouveautés et de blockbusters millimétrés, The Unholy Trinity débarque comme un western modeste, voire rugueux, qui réunit deux mastodontes du cinéma, Pierce Brosnan et Samuel L. Jackson, dans un duel d’interprétation censé raviver l’étincelle du genre. Mais derrière le vernis de cette affiche alléchante se cache un scénario tortueux, une mise en scène inégale et un protagoniste jeune manquant de relief. Pourtant, malgré des critiques mi‑figue mi‑raisin, certains spectateurs y voient un divertissement rêche mais satisfaisant pour les amateurs de Westerns classiques.

Vengeance, secrets et or volé dans le Montana

Dans le Montana des années 1870, Isaac Broadway (Tim Daly) est pendu après avoir été condamné pour meurtre. Avant de mourir, il jure son innocence et charge son fils, Henry (Brandon Lessard), de venger sa mort et de tuer l’homme qu’il accuse de l’avoir trahi et fait condamner à tort. Acquiesçant à cette dernière volonté, Henry se rend dans la ville reculée de Trinity, qu’Isaac aurait fondée jadis.

Dès son arrivée, Henry se retrouve face à Gabriel Dove (Pierce Brosnan), le nouveau shérif irlandais réputé intègre. Dove lui révèle alors que l’homme qu’il recherche—un ancien shérif nommé Saul Butler—est déjà mort. Il tente de tempérer la colère de ce jeune homme impulsif, trop pressé de régler des comptes sans comprendre l’évolution des rapports de pouvoir à Trinity.

La situation se complique lorsque surgit St. Christopher (Samuel L. Jackson), un mystérieux personnage au passé trouble, ancien esclave et manipulateur à la moralité fluctuante. Il révèle l’existence d’un trésor volé—de l’or confédéré subtilisé par Isaac Broadway—dont il cherche désormais à récupérer sa part. Parallèlement, une femme Blackfoot, Running Cub (Q’orianka Kilcher), est accusée du meurtre de l’ancien shérif et menacée de lynchage. Pendant ce temps, traitres et profiteurs rôdent, et l’héritage familial devient le point de cristallisation de la vengeance, de l’avarice, de la justice et de la mythologie du Far West.

Le récit plonge alors dans une série de confrontations, de trahisons et de fusillades chorégraphiées dans les saloons et les collines poussiéreuses du Montana. Le lien filial tardivement esquissé entre Henry et Dove demeure fruste, et la dynamique émotionnelle fonctionne comme un coup de fouet léger, survenant seulement dans la dernière partie du film.

Richard Gray, dernier souffle d’un Western oublié ?

À la barre du film, on trouve le réalisateur australien Richard Gray, qui a déjà signé des œuvres comme Murder at Yellowstone City ou Robert the Bruce. Gray a choisi d’aligner Ponts Brosnan et Jackson sur une trame classique d’Ouest rude et poussiéreux, dans l’espoir de ressusciter les codes intemporels du genre.

Le tournage s’est déroulé en octobre 2023 dans le Montana, notamment au Yellowstone Film Ranch à Livingston et dans l’ancienne prison territoriale de Deer Lodge. Il a bénéficié d’un accord provisoire SAG‑AFTRA, permis en pleine grève des acteurs d’Hollywood, pour pouvoir poursuivre le tournage malgré le conflit syndical.

Côté style, Gray privilégie les panoramas rocailleux et les scènes d’action visuellement marquantes. Pourtant, plusieurs critiques relèvent un certain amateurisme dans la direction : les fusillades manquent d’impact émotionnel, la narration apparaît désordonnée, et les intentions psychologiques des personnages ne sont pas toujours rendues clairement à l’écran. En somme, Gray semble plus à l’aise avec les paysages et l’iconographie du western qu’avec les subtilités dramatiques et l’écriture fluide.

Les figures de proue : les performances principales passées au crible

Pierce Brosnan – Gabriel Dove, le sheriff irlandais à l’éternel sourire grave

Dans le rôle du shérif Gabriel Dove, Pierce Brosnan incarne un homme droit, prudent et empreint de compassion. Sous une barbe fournie et un accent irlandais affirmé, il incarne l’unique figure d’équilibre moral dans ce monde de tensions explosives. Les critiques s’accordent à dire que c’est lui qui, de toutes les performances, sauve le film par sa présence posée et sa sûreté de jeu.

Samuel L. Jackson – St. Christopher, l’outsider manipulateur

L’interprétation de St. Christopher par Samuel L. Jackson est flamboyante, grotesque parfois, et toujours fascinante. L’ancien esclave devenu paria utilise son intelligence et sa cruauté pour manipuler le destin d’Henry et du village. Il incarne une force imprévisible, oscillant entre provocateur blessé et antagoniste calculateur. Plusieurs critiques saluent sa prestation comme le seul élément vraiment mémorable du film, même s’il en fait souvent beaucoup trop.

Brandon Lessard – Henry Broadway, l’héritier égaré

Moins expérimenté que ses partenaires, Brandon Lessard campe Henry Broadway, le fils naïf chargé de venger son père. Si son rôle requiert une progression du jeune homme de l’incertitude vers la détermination, plusieurs commentateurs estiment qu’il manque de charisme, que son personnage évolue trop vite sans véritable arc dramatique, et qu’il peine à créer de l’empathie malgré ses efforts.

Les seconds rôles : du décor vivant aux clichés ambulants

Parmi les personnages secondaires : Q’orianka Kilcher incarne Running Cub, victime potentielle d’un lynchage et symbole des tensions raciales ignorées du récit. Veronica Ferres joue Sarah Dove, épouse ou parente du shérif, dont l’importance reste limitée. On retrouve aussi David Arquette en faux prêtre (Father Jacob), Gianni Capaldi en Gideon, Ethan Peck en Sam Scarborough, et Katrina Bowden dans un rôle de prostituée tragique, tous utilisés comme accessoires narratifs plus que comme véritables piliers dramatiques.

Derrière la caméra : comment le film a été tourné

Le tournage de The Unholy Trinity s’est déroulé dans le Montana d’octobre à novembre 2023, sur les lieux emblématiques du Yellowstone Film Ranch et de l’ancienne prison territoriale de Deer Lodge. Significatif ici : la production a obtenu une entente provisoire de la SAG‑AFTRA pour tourner durant la grève de 2023, autorisation rare qui a permis de maintenir le calendrier strict dans des décors naturels grandioses.

La photographie, signée Thomas Scott Stanton, exploite pleinement les panoramas du Montana. Face à ces paysages majestueux, le montage de Lee Smith joue le contraste entre la lente immersion dans le drame familial et les scènes d’action brutales calibrées. Les costumes de Vicki Hales et le design de Tessla Hastings recréent un Ouest rugueux, sans fioritures, mais parfois accusé de trop de propreté pour certains critiques européens.

Un duel d’opinions autour d’un western inégal

La réception critique est globalement mitigée. Sur Rotten Tomatoes, le film n’obtient qu’un Tomatometer de 38 % (sur 34 critiques) et un Popcornmeter de 66 % auprès des spectateurs, indiquant une appréciation plus favorable du grand public que des critiques pro. Des publications comme The Guardian ou Roger Ebert saluent l’énergie de Brosnan et Jackson mais soulignent un scénario alambiqué et un manque de lien émotionnel tangible entre les personnages principaux, en particulier dans les premiers deux tiers du récit.

Ty Burr, pour le Washington Post, juge que le film est “un western de bas étage”, divertissant à petits feux grâce aux deux stars, mais jamais convaincant comme œuvre complète. Il recommande plutôt de se replonger dans des classiques du genre, évoquant un budget modeste et une ambition visuelle limitée.

D’autres critiques, comme celles de NextBestPicture, sont plus mordantes : elles considèrent que le scénario est inintéressant dès les premières minutes, avec une direction laborieuse et un casting second rôle surtout décoratif. Le film y est qualifié de “pire type de téléfilm”, malgré la présence de grands noms.

Néanmoins, plusieurs spectateurs amateurs de westerns classiques apprécient le divertissement « rugueux » proposé : des scènes d’action, des visuels de plaines poussiéreuses, des figures archétypales. La fraîcheur du genre et la présence de brosnans/jackson suffisent à tenir l’attention de ceux qui n’attendent pas une grande œuvre mais juste un programme solide pour une après-midi tranquille.

Innovations ou clichés recyclés ?

L’ambition du film est claire : reprendre les codes du western classique — saloons, saletés, vengeance, tirades morales — tout en y insufflant des personnages contradictoires. Mais l’originalité tient-elle la route ? Les critiques le soulignent : l’histoire repose sur des clichés — vol d’or, père pendu, vengeance filiale, shérif incorruptible — sans jamais vraiment révolutionner le genre. Le script de Lee Zachariah est jugé confus, surchargé, parfois bavard, avec des rebondissements plus convenus que surprenants.

Ce qui distingue toutefois The Unholy Trinity, c’est le rapport entre personnages : la tension entre Henry, Dove et Christopher permet un triangle moral qui fonctionne. Certains dialogues, bien qu’écrits sans finesse, font mouche, notamment entre Brosnan et Jackson. Le motif du shérif irlandais et du fils ramassé ajoute une dynamique de famille d’adoption qui émerge tardivement, mais finit par rendre les personnages plus humains.

Pour qui et pourquoi (ou pas) regarder The Unholy Trinity ?

The Unholy Trinity n’est pas le western du siècle. Il ne redéfinit ni le genre ni ses grands codes, mais se contente de les assembler avec des décors solides et deux acteurs vedettes assurant le show. Si l’on recherche une histoire simple, des fusillades classiques, et un face‑à‑face taciturne entre un shérif droit et un hors‑la‑loi charismatique, le film saura satisfaire. En revanche, celles et ceux en quête de nuances émotionnelles, d’un scénario affûté ou d’une dramaturgie originale en seront probablement déçus.

Le film dure environ 93 minutes, a été tourné dans le Montana en 2023, a été présenté en avant‑première au Festival de Zurich le 12 octobre 2024 et est sorti dans les salles américaines le 13 juin 2025. Il sera disponible sur plateformes numériques à partir de mi‑juillet ou début août, avec un accès Hulu exclusif attendu vers novembre 2025 pour les États‑Unis. Sa durée très courte (entre 93 et 95 minutes selon les sources) et son R (violence, langage, contenu sexuel) en font un western sans fioritures.

Valeur esthétique et émotionnelle : visuel contre narration

Les critiques s’accordent à dire que le film a une esthétique convaincante. Le décor naturel du Montana est magnifié, les scènes de chevauchée impressionnent, et les duels sont chorégraphiés avec efficacité. Le montage est fluide lorsqu’il s’agit d’action.

En revanche, l’impact émotionnel est jugé limité. La relation père‑fils ne s’installe vraiment que tard dans le récit, et certains personnages secondaires restent sous-exploités. L’intrigue du trésor, bien que moteur du récit, paraît dépourvue de poids véritable, comme le conclut Ty Burr du Washington Post : « il n’y a pas grand‑chose au fond de ce film ».

Récompenses et reconnaissance critique

Le film a été présenté en avant‑première mondiale au Festival du cinéma de Zurich le 12 octobre 2024, en sélection gala, mais il n’a reçu aucune distinction officielle majeure. Aucune mention dans les cérémonies classiques n’a été enregistrée jusqu’à ce jour.

Les critiques professionnels l’ont accueilli de manière mitigée. Glenn Kenny (RogerEbert.com) lui attribue deux étoiles et demie sur quatre, notant qu’il n’est ni un futur classique ni une catastrophe, mais « un film mieux que moyen car rares sont les westerns d’aujourd’hui ». La critique du Washington Post parle d’un format B-movie sans talent, capable de divertir mais sans substance.

Rotten Tomatoes signale un taux de 38 % de critiques positives (Tomatometer) et 66 % du public, confirmant le statu croisé entre appréciation modérée et frustration narrative.

Un western honnête mais bancal

The Unholy Trinity offre une démonstration que le western indépendant peut encore exister : beaux paysages, stars investies, scènes d’action crédibles. Mais la mécanique narrative montre ses faiblesses : une intrigue trop dense, un protagoniste juvénile maladroit, un thriller d’or sans punch véritable. Le potentiel émotionnel du triangle Dove‑Henry‑Christopher reste à peine effleuré jusqu’à l’ultime acte.

Le film brille surtout grâce à ses deux têtes d’affiche : Pierce Brosnan apporte une stabilité introspective, et Samuel L. Jackson insuffle une énergie irrépressible. Sans eux, le western tomberait à plat. Le matériau est fonctionnel, mais rarement inspiré. C’est un spectacle de genre, non une œuvre mémorable.

Partager cet article :

Voir le profil de Charles-Henry

Charles-Henry

En perpétuelle recherche de nouveautés culturelles en tout genre.

Soyez le premier à réagir

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

| Sur le même sujet