
Donne envie de partir
Il y a des films qui sentent la route, le billet d’avion froissé, le guide fourré dans la poche. Le Routard, comédie française sortie au printemps 2025 et signée Philippe Mechelen, appartient à cette famille : elle joue de manière malicieuse avec l’idée même du voyage comme « métier rêvé » et transforme la découverte du monde en une suite d’embûches cocasses. Sur la base d’un postulat simple — un jeune homme recruté par le célèbre guide pour tester des adresses autour du globe — le film déploie un ton enjoué, parfois burlesque, qui ne se refuse ni un zeste d’émotion ni quelques clins d’œil au tourisme contemporain. La promesse est tenue : on rit, on s’agace, et surtout on a cette envie tenace de refaire sa valise.
Un « job de rêve » qui vire à l’odyssée
Yann n’a qu’un seul rêve dans la vie : voyager. Lorsqu’il apprend que le Guide du Routard recrute des testeurs prêts à arpenter le monde et noter hôtels, restaurants et coins secrets, il décroche le poste. Sa première mission l’envoie à Marrakech, où quarante adresses l’attendent en cinq jours. Petit problème : Yann n’a jamais vraiment quitté la France et il n’a aucune idée de la logistique, des usages locaux ni des imprévus qui attendent tout voyageur de première classe. Le film suit ses pas maladroits, ses rencontres tantôt charmantes tantôt catastrophiques, et sa tentative, parfois naïve mais souvent touchante, de se mettre à la hauteur de la légende du Routard. Cette trame, à la fois simple et extensible, offre au scénariste-réalisateur un terrain propice aux gags d’observation et aux moments d’humanité.
Philippe Mechelen : un réalisateur qui sait ménager le souffle comique
Philippe Mechelen, qui signe scénario et réalisation de Le Routard, revient à la comédie d’aventures après des incursions précédentes dans un cinéma populaire plus intimiste. Sa mise en scène ne cherche pas l’ostentation mais l’efficacité : plans nets, montage rythmé, et une direction d’acteurs qui privilégie la spontanéité. Mechelen sait cadrer la gaffe sans la juger, et il confère à son héros une humanité qui supporte les chutes — comiques comme émotionnelles. Son film gagne en cohérence parce qu’il ne trahit jamais la fragilité de son personnage principal : la caméra sait autant filmer la rue d’un souk que le regard hésitant d’un comédien qui découvre l’ailleurs. Ces choix expliquent que l’ensemble fonctionne comme une comédie chaleureuse plutôt que comme une farce.
Hakim Jemili et Christian Clavier pour la forme
Au centre du dispositif, Hakim Jemili incarne Yann avec un naturel qui évite la caricature. Le comédien porte la comédie sur ses épaules : son énergie, son sens du tempo et sa capacité à jouer la gêne en font le héros crédible d’une fable voyageuse. À ses côtés, des noms plus établis — Christian Clavier et Michel Blanc parmi eux — viennent offrir des contrepoints de génération et d’expérience. La présence de figures connues apporte au film une familiarité bienvenue et enrichit le plateau : l’humour se transforme en échange intergénérationnel, et les seconds rôles, sans être toujours massifs, trouvent des moments pour briller. La distribution, calibrée pour un public large, joue la carte de l’accessibilité tout en ménageant des respirations dramatiques quand il le faut.
Marrakech en toile de fond
La production a fait le choix de tourner sur des lieux réels — Marrakech apparaissant comme la première étape marquante du voyage du héros — pour donner à la comédie une matière visuelle authentique. Ce recours aux décors réels, combiné à un travail soigné de la direction artistique, confère aux séquences de voyage une texture qui aurait été difficile à obtenir en studio. Le tournage, qui s’est déroulé fin 2023-début 2024 selon les mentions de production, témoigne d’une organisation logistique solide : transporter une équipe, recréer des ambiances locales et préserver la spontanéité nécessaire au comique de situation demande un réel savoir-faire. Le film gagne ici en « palpabilité » : on sent les odeurs, les sons et les tensions d’un déplacement véritable, et non pas un pastiche filmé.
Entre impro et mécanique scénaristique
La réussite d’une comédie de voyage tient à la fois au sens du gag et à l’empathie portée aux personnages. Le Routard fonctionne parce qu’il combine des moments écrits et ciselés avec des micro-improvisations qui respirent. Le scénario met en place des dispositifs de quiproquos, de malentendus culturels et d’imprévus logistiques qui sont autant d’occasions pour l’acteur principal de démontrer sa palette comique. Mais le film évite aussi de rester prisonnier de sa mécanique : les séquences les plus réussies sont celles où l’on perçoit une évolution intérieure du héros. Le rire n’est alors pas seulement une réaction à l’absurde, il devient le moyen de raconter un apprentissage. Les critiques qui ont vu le film en avant-première ont d’ailleurs salué cet équilibre entre gag et émotion.
Un regard sur le tourisme contemporain
À une époque où le tourisme de masse divise, Le Routard choisit un angle délicat : il n’attaque pas frontalement l’industrie, mais il en montre les tensions — l’écume médiatique, les faux-semblants Instagram et la difficulté de « tester » une culture en cinq jours. Le film joue souvent la carte de la bienveillance, mais il n’évite pas les remarques piquantes sur le rôle des influenceurs, la consommation standardisée des expériences et la tentation de réduire les voyages à une série d’adresses « likeables ». Cette mise en scène critique, subtile et souvent drôle, donne au film une dimension morale sans s’alourdir : il invite à réfléchir sur ce que signifie vraiment « découvrir » un lieu.
Nuance et timing comique
Hakim Jemili tient son rôle avec une justesse qui fait souvent mouche : il sait jouer la maladresse sans tomber dans la bêtise, et trouve la mesure entre la naïveté et la vraie curiosité. Christian Clavier et Michel Blanc, deux figures du cinéma français, apportent une couleur qui va du grotesque volontaire au burlesque fin, selon les exigences des scènes. Leur présence permet d’équilibrer la jeunesse du plateau et d’ancrer la comédie dans une tradition comique française. Les seconds rôles et les cameos remplissent leur office : ils surprennent, ponctuent et parfois décalent le récit vers des directions inattendues, ce qui nourrit la variété du film.
Simplicité au service de l’immédiateté
Philippe Mechelen opère souvent à hauteur d’humain : plans courts, cadrages clairs et montage qui privilégie le punch. La mise en scène vise l’immédiateté du rire sans sacrifier la lisibilité émotionnelle. À l’écran, cela se traduit par une atmosphère légère, parfois nerveuse, où le décor n’écrase jamais le gag. Ce choix esthétique est cohérent avec la nature du récit : une comédie qui se veut accessible, qui ne cherche pas à philosopher longuement sur le voyage mais invite à le vivre. Dans ce registre, le film remplit sa mission et tient la promesse d’un divertissement bien construit.
Du comique, sans plus
Le Routard n’apporte pas une révolution formelle au cinéma comique. Sa valeur réside plutôt dans la manière dont il remet le voyage au centre d’un récit populaire et dans son choix de traiter le sujet avec un mélange de tendresse et de dérision. En choisissant d’ancrer l’histoire dans la réalité du Guide du Routard et en tournant sur des lieux concrets, la production privilégie l’authenticité sur le clinquant numérique. L’originalité est donc davantage contextuelle et tonale que technique : montrer l’envers du décor touristique à hauteur d’homme plutôt qu’en grand spectacle. Ces options peuvent paraître modestes, mais elles rendent le film immédiatement tangible et souvent sincère.
Une comédie bien née qui séduit son public
Aux premières projections et dans la presse, Le Routard a recueilli des critiques globalement positives sur sa capacité à divertir et à faire rire. Des chroniques spécialisées ont salué le rythme, l’alchimie du casting et l’humanité de l’écriture. Certains commentateurs ont toutefois pointé des passages inégaux et un format court (environ 85 minutes selon les fiches techniques) qui oblige à une économie narrative parfois un peu sèche. Dans l’ensemble, la réception indique que le film remplit sa promesse : il place le public du bon côté du voyage — celui du divertissement et de la surprise — sans se prétendre manifeste sociétal.
Palmarès encore à écrire
Au moment de la sortie, Le Routard n’a pas été annoncé comme un chasseur de prix de festival, et sa trajectoire semble davantage tournée vers le public que vers les jurys. La stratégie de sortie et le positionnement commercial — comédie populaire signée Studiocanal — s’inscrivent dans une logique de visibilité large plutôt que de compétition d’auteur. Cela n’empêche pas le film d’avoir un impact culturel : il a suscité des articles, des interviews (avec la participation notamment de Philippe Gloaguen, fondateur du guide) et une curiosité médiatique qui pourraient lui assurer une vie prolongée en diffusion et en VOD.
Simplicité et écarts de rythme
Rien n’est parfait, et Le Routard le reconnaît par ses choix assumés. Les détracteurs noteront que le film reste parfois léger sur le fond et que quelques pistes — les enjeux plus graves du tourisme responsable, par exemple — ne sont qu’effleurées. Le format court impose aussi une énergie rapide qui ne permet pas toujours d’approfondir certaines rencontres ou de prolonger la mise en situation au-delà du gag. Ces réserves ne minent pas l’ensemble mais elles rappellent que la comédie choisit parfois la fugacité plutôt que la profondeur.
Chaleur, humanité et plaisir de l’écran
Au terme de la projection, ce sont moins les trouvailles spectaculaires que la chaleur humaine et la justesse des petits instants qui restent. Le Routard fonctionne parce qu’il croit à ses personnages et parce qu’il accepte la modestie de sa forme. Il donne envie de partir, pas forcément pour fuir, mais pour revenir différent. Cette qualité — rendre au voyage sa dimension formatrice, parfois pataude mais toujours riche — constitue, en soi, un tour de force pour une comédie grand public.
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Je suis Claire, critique passionnée avec un regard acéré pour les détails artistiques. Mes critiques mêlent profondeur et élégance, offrant des perspectives uniques sur les médias. Avec une plume raffinée et une compréhension fine des œuvres, je m'efforce d'enrichir le dialogue et d'éclairer les spectateurs.
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