Les préjugés s’invitent à table – plongée dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?

Films / Publié le 16 juillet 2025 par Charles-Henry
Temps de lecture : 7 minutes
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Dès son lancement en avril 2014, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? a surpris la comédie hexagonale en brisant les conventions du genre. Sur fond de bourgeoisie catholique de province, ce film inaugure un regard frais sur les questions d’identité et de tolérance. Philippe de Chauveron, réalisateur à l’humour percutant, transforme une simple histoire familiale en miroir des tensions sociales de notre époque. Entre rire et réflexion, le propos interpelle : comment vivre ensemble quand l’amour de ses enfants bouscule les certitudes? Comment concilier traditions et modernité, enracinement et ouverture? Dès l’introduction, à Chinon, Claude et Marie Verneuil incarnent cette France bien-pensante qui croyait en sa tolérance… jusqu’à ce que ses filles leur fassent rencontrer le véritable visage de la diversité.

Une comédie fédératrice : quand quatre gendres font vaciller un cocon familial

Au cœur de cette comédie pétillante, le synopsis déclenche un feu d’artifice de situations comiques et d’introspection. Claude, notaire traditionaliste, et Marie, sa femme aimante, vivent paisiblement jusqu’à ce que leurs quatre filles présentent leurs époux aux origines et confessions variées. Isabelle épouse Rachid, avocat musulman ; Odile, un juif séfarade nommé David ; Ségolène, un banquier chinois, Chao ; et enfin Laure surprend tout le monde avec Charles, un comédien catholique… et ivoirien.

Le film déroule alors une succession d’épreuves pour les Verneuil : repas religieux qui tournent à la caricature, embarras face aux différences culturelles, et dialogues à la fois mordants et maladroits. Le choc s’amplifie lorsqu’apparaît André, le père de Charles, un ancien militaire exigeant, nostalgique des temps coloniaux. Ce personnage chauffe la pièce, recréant une tension entre deux générations de pères, entre héritage colonial et bienveillance familiale. Des répliques plus piquantes les unes que les autres font mouche, mettant en lumière la peur de l’autre, mais aussi une bonne dose d’autodérision. Pourtant, le film choisit la paix : le mariage est célébré, les cœurs s’ouvrent, prouvant que les différences peuvent être célébrées sans renoncer à ses valeurs .

Philippe de Chauveron, maître de l’humour inclusif

C’est tout un trait de caractère que signe le réalisateur Philippe de Chauveron. Né en 1965, diplômé de l’ESCEC, il se spécialise dans la comédie populaire avant de créer le véritable phénomène en 2014. Avec Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, de Chauveron coécrit le scénario avec Guy Laurent, s’appuyant sur des études montrant qu’un mariage français sur cinq est mixte, et choisit de mettre en scène cette France métissée que l’on préfère parfois ignorer.

Sa mise en scène mise sur le rythme : alternance de moments cocasses, de répliques efficaces, de quiproquos et de confrontations symboliques. Le décor de Chinon, la photographie de Vincent Mathias, tout concourt à souligner le contraste entre la France traditionnelle et la société multiculturelle. L’humour n’est jamais gratuit : il existe pour souligner une réalité sociale, la désamorcer, jouer avec elle. Le budget modeste du film (environ 13 M€) est mis à profit pour amplifier les gags et la portée émotionnelle, sans artifices superflus. Le résultat : un équilibre entre comédie de mœurs et satire sociale, rendant le message accessible, fédérateur, sans jamais tomber dans la morale redondante.

Les interprètes : du couple parental aux gendres colorés

L’incroyable succès du film repose sur des interprétations marquantes. Christian Clavier est tout simplement brillant dans le rôle de Claude Verneuil : le patriarche autoritaire et parfois maladroit, mais profondément aimant. Il incarne cette France attachée à ses repères, tout en révélant une tendresse au cœur de son ridicule habituel. À ses côtés, Chantal Lauby compose une Marie à la fois soumise et farouchement combative : elle assume ses contradictions et impose une douceur dans la tempête familiale. Leur duo, complice, équilibre la satire et l’émotion.

Les gendres, quant à eux, apportent la fraîcheur et la vitalité du film. Medi Sadoun, en Rachid musulman, réussit à incarner un avocat moderne et respecté, sans tomber dans le cliché. Ary Abittan, en David juif, éclate à l’écran : humour, répartie, sensualité d’un entrepreneur un peu à la dérive, il incarne un beau mariage entre comique et émotion. Frédéric Chau, en Chao Ling, est plus discret, mais apporte un charme tout en nuances sublimées par sa figuration dans des scènes clés.

La révélation est Noom Diawara, dans le rôle de Charles Koffi. Charismatique et juste, il introduit une dynamique nouvelle : catholique et noir, il déclenche la chute définitive de toutes les résistances du couple parental. Son interprétation mêle bienveillance, humour, pudeur, positionnant Charles comme le lien de réconciliation familiale.

Enfin le casting secondaire, notamment Pascal Nzonzi dans le rôle du père africain, Élie Semoun en psychologue, et les belles-filles, enrichit chaque séquence d’un univers composite, textures culturelles et personnalités affirmées.

Pourquoi ce film est devenu phénomène national

Avec plus de 12,3 millions d’entrées en France et un relais de quatre semaines en tête du box-office, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? s’impose comme le plus grand succès français de l’année 2014, et l’un des tout premiers succès comiques de la Ve République. Il touche des publics variés : des citadins sensibles à la satire aux familles rurales en quête de réflexion légère. Le film parvient à transformer la comédie bourgeoise en miroir des tensions contemporaines — le tout sans tomber dans la démonstration didactique.

La critique, plutôt bien accueillie, relève un humour simple, mais touchant, et salue l’absence de méchanceté. Certains détracteurs pointent un manque de finesse, un ludique facile, mais le public préfère l’humanité des personnages, la sincérité du propos, et un ton résolument positif .

Le succès a engendré deux suites : Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? (2019) et Qu’est-ce qu’on a tous fait au Bon Dieu ? (2022), reprenant la même veine, le même casting, la même énergie familiale. Un gage de l’efficacité et de la cohérence d’un univers qui s’est construit en miroir d’une époque en mutation.

Une comédie moderne qui bouscule les certitudes

En définitive, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? n’a pas inventé le genre de la comédie familiale. Mais il en a redéfini les contours en proposant un modèle inclusif et sans fracas. Ce film impose l’humour comme outil de remise en question : il nous convie à rire de nos contradictions, sans renoncer à nos convictions, et surtout à écouter.

Le traitement de la diversité — confessionnelle, culturelle, générationnelle — est mené avec tact : jamais moralisateur, toujours vivant. Le réalisateur choisit la nuance, avec un excellent dosage entre satire, émotion, et dérision. Ses personnages sont humains, imparfaits, attachants. Chacun porte son héritage, et apprend un peu à lâcher prise, pour bâtir un pacte familial renouvelé.

Aussi, la comédie résonne aujourd’hui encore, alors même que les enjeux identitaires restent au cœur des débats. Elle reste à revoir, pour ce regard tendre et intelligent posé sur l’autre. Pour ses dialogues drôles, ses regards complices, ses situations inattendues, mais surtout pour ce message d’espoir : malgré les différences, on peut aimer, se comprendre, s’unir.

Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? est un divertissement réussi. C’est un objet social, un moment de partage, une comédie populaire qui porte haut les couleurs de l’ouverture. Philippe de Chauveron signe un film à la fois drôle et nécessaire. Un classique moderne de la comédie française, à voir (et revoir) en famille.

Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?

« Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » est une comédie française qui aborde avec humour et sensibilité les thèmes de la tolérance, du multiculturalisme et de la famille. Le film suit Claude et Marie Verneuil, un couple de bourgeois catholiques traditionnels, joués par Christian Clavier et Chantal Lauby, qui voient leurs convictions mises à […]

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