
Une dernière vague pour l’univers DC de Zack Snyder ?
Aquaman and the Lost Kingdom, sorti en décembre 2023, marque une double fin symbolique : celle de la saga personnelle d’Arthur Curry, alias Aquaman, et celle d’un pan entier de l’univers cinématographique DC (le DCEU tel qu’initié par Zack Snyder). Réalisé par James Wan, ce second opus met un point final à une franchise aquatique aussi flamboyante que chaotique, dans un contexte industriel troublé où les super-héros peinent à maintenir leur règne au box-office. Si ce dernier chapitre a connu une gestation compliquée, entre reports et reshoots, il n’en demeure pas moins une œuvre spectaculaire qui explore les limites du blockbuster tout en offrant une conclusion (presque) digne au roi d’Atlantide.
Le royaume perdu : synopsis d’une quête familiale
Dans Aquaman and the Lost Kingdom, Arthur Curry, désormais roi d’Atlantide et père d’un jeune enfant, est confronté à une menace qui dépasse tout ce qu’il a connu. Black Manta, survivant du premier opus, revient avec une rage décuplée et une nouvelle arme redoutable : le Trident Noir, capable de réveiller une ancienne force maléfique oubliée des profondeurs. Pour l’arrêter, Aquaman se voit contraint de s’allier à son demi-frère Orm, l’ancien roi déchu, emprisonné depuis les événements du premier film.
Le film navigue alors entre deux fils narratifs : la menace planétaire déclenchée par Black Manta, et la relation fraternelle entre Arthur et Orm, oscillant entre rivalité et rédemption. Ensemble, ils plongent dans les abysses pour découvrir le « royaume perdu », une ancienne civilisation atlante oubliée, gardienne de secrets aussi puissants que dangereux. Ce voyage devient autant une épreuve physique que morale, dans un monde aquatique toujours plus dense et visuellement stupéfiant.
James Wan : l’architecte des profondeurs
James Wan, connu pour ses incursions dans l’horreur (Saw, Insidious, The Conjuring) comme pour ses contributions au cinéma d’action (Fast & Furious 7), revient à la barre de ce second opus après le succès planétaire du premier Aquaman en 2018. Le réalisateur australo-malaisien conserve son goût pour l’excès visuel, les univers baroques et l’action démesurée, tout en tentant d’injecter une dimension plus intime au récit.
Avec The Lost Kingdom, Wan joue sur deux registres : le spectaculaire et l’émotionnel. Les scènes de combat sont chorégraphiées avec virtuosité, les environnements sous-marins regorgent d’imagination, et les créatures hybrides qui peuplent l’univers d’Aquaman témoignent encore une fois de sa passion pour le fantastique. Pourtant, là où Wan surprend, c’est dans son traitement des relations humaines : la tension entre Arthur et Orm, les responsabilités d’un père et d’un roi, ou encore le dilemme moral face au pouvoir destructeur du Trident Noir. Le film reste imparfait, mais il reflète une réelle ambition artistique au sein d’un univers en pleine déconstruction.
Jason Momoa et la dernière couronne du roi
Jason Momoa reprend pour la cinquième fois le rôle d’Aquaman, qu’il incarne avec la même énergie brute et charisme brut de décoffrage. Dans ce dernier volet, son personnage évolue : il n’est plus seulement le guerrier sauvage mais un roi tiraillé, un père protecteur et un homme en quête de réconciliation. Momoa s’implique également au scénario, co-signant une version de l’histoire originale, preuve de son investissement personnel dans le destin d’Arthur Curry.
À ses côtés, Patrick Wilson revient dans la peau d’Orm, offrant une performance plus nuancée que dans le premier film. De frère antagoniste, il devient un allié réticent, dont les échanges avec Aquaman constituent le cœur émotionnel du récit. Amber Heard, malgré la controverse publique, conserve une présence discrète mais notable dans le rôle de Mera, tandis que Yahya Abdul-Mateen II brille à nouveau en Black Manta, méchant tragique et plus menaçant que jamais.
Le reste du casting reprend ses marques : Nicole Kidman en Reine Atlanna, Temuera Morrison en père terrestre bienveillant, et Dolph Lundgren en Roi Nereus. Chacun contribue à renforcer l’univers foisonnant imaginé par James Wan, entre politique, guerre et mythologie marine.
Techno‑plongée : tournage au cœur des abysses
James Wan, soucieux d’améliorer l’expérience de tournage, a déployé des techniques de capture volumétrique développées par Eyeline Studios/Scanline VFX. Selon les notes de production, plus de cent caméras ont été utilisées pour enregistrer les performances, destinées à être intégrées dans un environnement 3D simili-aquatique, sans avoir à maintenir les acteurs suspendus dans des harnais pénibles. Cette méthode améliorée permet une immersion totale, tant pour l’équipe technique que pour le spectateur, ouvrant la voie à des mouvements de caméra plus ambitieux et à une expressivité accrue des comédiens .
Après un tournage principal s’étalant de juin 2021 à janvier 2022, principalement au Royaume-Uni (à 95 %) avec des segments en Californie, Hawaii, New Jersey et Nouvelle‑Zélande, le film a subi plusieurs petites séries de reshoots échelonnés entre juillet 2022 et juin 2023, principalement motivées par la disponibilité des acteurs. Wan insiste sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une refonte massive, mais d’ajustements ciblés – un procédé courant pour améliorer la narration .
Un film en eaux troubles, mais visuellement époustouflant
D’un point de vue visuel, Aquaman and the Lost Kingdom est un tour de force. Les effets spéciaux y atteignent un niveau de raffinement impressionnant, tant dans les scènes de batailles sous-marines que dans la reconstitution des royaumes perdus, notamment Necrus, ce royaume oublié au cœur de l’intrigue. Le film repousse les limites du rendu numérique aquatique, enchaînant des tableaux visuels à la fois psychédéliques et immersifs, parfois au détriment de la lisibilité de l’action, mais toujours avec une certaine audace.
Le rythme, parfois déséquilibré, souffre d’un montage resserré (le film ne dure que 124 minutes), qui compresse certains arcs narratifs et empêche certains personnages secondaires de réellement exister. On sent ici les coupes successives, les réécritures et les ajustements liés à la fin du DCEU, ce qui confère au film une certaine urgence, voire une sensation d’inachèvement sur certains plans.
Une fin de règne pour un univers cinématographique moribond
Avec Aquaman and the Lost Kingdom, Warner Bros. referme un chapitre complexe de son univers DC. Après une série de revers critiques et commerciaux (The Flash, Shazam! Fury of the Gods, Blue Beetle), ce dernier opus ne parvient pas à renverser la tendance, malgré une direction artistique soignée. Le film, bien que divertissant, s’inscrit dans un contexte de transition difficile, avec le reboot annoncé de l’univers DC par James Gunn à l’horizon 2025.
Cela dit, en tant que conclusion à l’arc d’Aquaman, le film reste satisfaisant. Il ne cherche pas à tout bouleverser mais à clore avec panache un voyage entamé il y a plus de cinq ans. Il offre à son héros un baroud d’honneur mérité, en insistant davantage sur les liens familiaux et les valeurs de loyauté, de rédemption et de transmission.
Récompenses : les honneurs en clair-obscur
Malgré l’attente générée par sa sortie, Aquaman and the Lost Kingdom n’a pas été un raz-de-marée sur le plan des récompenses. Le film a tout de même obtenu plusieurs nominations, notamment aux Kids’ Choice Awards 2024, où il a été cité dans les catégories de « Meilleur film » et « Meilleur acteur » pour Jason Momoa, bien qu’il n’ait remporté aucun prix. Du côté des distinctions techniques, le long-métrage a été remarqué aux Visual Effects Society Awards grâce à la performance numérique de Topo, le célèbre poulpe musicien, dans la catégorie de la « meilleure création de personnage animé dans un film en prises de vues réelles ». D’autres nominations ont été enregistrées aux Golden Schmoes Awards, ainsi qu’au sein de sociétés de critiques comme la Hawaii Film Critics Society, mais aucune ne s’est concrétisée par une victoire. Jason Momoa, de son côté, a été brièvement mis à l’honneur dans les médias populaires, notamment aux People’s Choice Awards où il figurait parmi les prétendants au titre de « Star de film d’action de l’année », une nomination qui n’a cependant pas débouché sur une récompense. En somme, The Lost Kingdom a été salué pour ses qualités visuelles et techniques, mais est resté en marge des grands honneurs critiques ou institutionnels.
Une réception critique contrastée
La réception critique du film s’est révélée particulièrement divisée, illustrant bien les tensions qui accompagnent souvent les blockbusters en fin de cycle. Plusieurs critiques ont salué l’inventivité visuelle du réalisateur James Wan, reconnaissant la richesse de l’univers aquatique et la capacité du film à repousser les limites de l’imagerie numérique. Les décors sous-marins, les créatures fantastiques et les scènes de bataille immersives ont été décrits comme des réussites visuelles dignes d’être découvertes en salle, à condition d’accepter une certaine surcharge esthétique. D’autres commentateurs, cependant, ont pointé du doigt une construction narrative trop déséquilibrée, où la densité visuelle empiète sur la clarté du récit et la profondeur émotionnelle des personnages. Certains ont regretté que le développement psychologique des protagonistes soit sacrifié au profit de l’escalade des effets spéciaux. Enfin, sur le plan commercial, le film a réalisé des performances modérées avec environ 439 millions de dollars de recettes mondiales pour un budget estimé à plus de 200 millions, confirmant une tendance à la baisse dans l’attrait du public pour les dernières productions DC. Cette réception en demi-teinte reflète autant les qualités esthétiques du film que le désenchantement croissant du public vis-à-vis des sagas de super-héros en perte de souffle.
Ce qui a changé depuis le premier Aquaman
Le premier Aquaman (2018) misait avant tout sur l’émerveillement : un voyage initiatique coloré, riche en découvertes, avec un ton volontairement plus léger. The Lost Kingdom adopte une posture plus sombre, plus politique aussi, centrée sur les conséquences du pouvoir et les dangers écologiques liés à l’équilibre des océans. Le Black Manta y prend une dimension mythique, moins cartoon que dans le premier film.
En outre, les enjeux familiaux prennent une place plus importante. Arthur n’est plus seulement un fils rejeté mais un père et un frère. Cette maturité narrative apporte une profondeur nouvelle à son personnage. Le ton général du film, moins grand public, semble viser une audience plus adulte, peut-être en réponse aux critiques adressées au premier opus.
Un au revoir salé, mais sincère
Aquaman and the Lost Kingdom n’est pas un chef-d’œuvre, mais c’est un divertissement généreux et une conclusion honnête à une saga qui aura su trouver son public. Entre deux époques du cinéma de super-héros, ce film se tient comme un point de passage, un hommage à ce qu’aurait pu être un univers DC plus cohérent et audacieux.
James Wan signe ici une œuvre de transition, portée par un Jason Momoa toujours aussi habité, un méchant convaincant et une direction artistique somptueuse. On regrettera certains raccourcis narratifs, un traitement inégal des personnages secondaires, et un manque d’envergure émotionnelle dans la dernière ligne droite. Mais le film n’en reste pas moins un moment de cinéma généreux, parfois démesuré, souvent spectaculaire.
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Je suis Guillaume, critique de films passionné dont les analyses incisives et captivantes enrichissent le monde du cinéma. Avec un flair pour déceler les subtilités artistiques, je partage mes réflexions à travers des critiques percutantes et réfléchies. Mon expertise, alliée à une plume élégante, fait de moi une voix influente dans l'univers cinématographique.
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