Nawell Madani

Nawell Madani est aujourd’hui l’une des figures les plus audacieuses de la scène humoristique et audiovisuelle francophone. Humoriste, actrice, scénariste, réalisatrice et productrice, elle s’est imposée avec un style percutant, mêlant autodérision, regard social affûté et énergie brute. Si son rire est contagieux, c’est surtout sa sincérité, sa vulnérabilité assumée et sa rage de vivre qui la rendent inoubliable. Parcours atypique, voix forte, et engagement sans faille : Nawell Madani incarne une génération de femmes artistes qui n’ont pas attendu qu’on leur donne une place — elles l’ont prise.

Une enfance entre deux mondes

Nawell Madani naît le 25 octobre 1979 à Watermael-Boitsfort, en Belgique, au sein d’une famille d’origine algérienne. Elle grandit à Bruxelles, dans un environnement familial protecteur mais aussi marqué par la rigueur d’un père très traditionnel. Très tôt, elle ressent le tiraillement entre son envie d’expression artistique et les injonctions culturelles pesant sur les jeunes filles issues de l’immigration.

D’abord passionnée par la danse, elle s’installe à Paris pour poursuivre une carrière de danseuse professionnelle. Elle collabore avec des artistes de renom et participe à des tournées internationales, mais se rend vite compte du sexisme et de la précarité du métier. Ce monde, qu’elle croyait glamour, se révèle impitoyable.

C’est dans cette première désillusion que naît sa deuxième passion : raconter sa vérité sur scène.

L’explosion sur scène avec C’est moi la plus belge

En 2012, Nawell intègre brièvement la troupe du Jamel Comedy Club. Mais elle en part rapidement, dénonçant un environnement masculin parfois oppressant, et surtout, l’impossibilité pour elle d’y développer sa propre voix. C’est en solo qu’elle décide de tracer sa route, avec un style qui lui est propre : engagé, rythmé, sincère, et porté par des thématiques encore peu abordées dans l’humour francophone — les tabous dans les familles maghrébines, la sexualité féminine, le racisme ordinaire, ou encore la pression sociale sur les femmes.

Son premier spectacle, C’est moi la plus belge, est un triomphe. Elle le joue à guichets fermés dans toute la francophonie pendant plusieurs années. Ce one-woman-show est une véritable thérapie de groupe, où le rire sert à déverrouiller les douleurs collectives. Nawell y parle de sa propre vie, de ses conflits familiaux, de ses amours, de ses blessures, mais toujours avec un humour ciselé et une énergie débordante.

Elle devient la première humoriste francophone d’origine maghrébine à remplir des salles aussi grandes que l’Olympia, et inspire toute une génération de jeunes femmes issues de la diversité à prendre la parole.

Une artiste plurielle : actrice, réalisatrice, créatrice

Nawell Madani ne se contente pas d’exceller sur scène. Elle se lance rapidement dans l’écriture et la production audiovisuelle. En 2017, elle crée et joue dans le film C’est tout pour moi, une fiction très largement autobiographique coécrite avec Ludovic Colbeau-Justin. Elle y raconte, avec tendresse et rage, le parcours chaotique d’une jeune fille de banlieue qui rêve de scène, entre les embûches du monde artistique et les tensions familiales.

Le film touche le public en plein cœur. Nawell y livre une prestation émouvante et juste, alternant humour, émotion et combat. Il marque aussi une étape symbolique : une femme racisée, réalisatrice, humoriste, productrice et actrice principale, raconte son histoire à sa manière. Le film est salué pour son authenticité et sa force narrative.

En 2023, elle frappe un nouveau grand coup avec la série Netflix Jusqu’ici tout va bien, qu’elle co-crée, coécrit, réalise en partie et interprète. Cette série dramatique suit une journaliste qui cache son frère recherché par la police, et plonge dans les arcanes du crime organisé, tout en explorant les tensions familiales et sociales. Nawell y montre l’étendue de sa palette, jouant sur le fil entre thriller, drame social et questionnement identitaire.

Une voix féminine et féministe puissante

Ce qui distingue Nawell Madani, c’est sa façon de mettre en scène les contradictions qu’elle vit — femme, maghrébine, musulmane, libre, drôle, vulnérable. Elle aborde des sujets encore tabous avec un courage rare : le sexisme dans les familles, l’injonction au mariage, les violences invisibles faites aux femmes, la santé mentale, les conflits intergénérationnels.

Elle ne cherche pas à lisser son discours pour plaire à tous. Son humour est parfois clivant, mais il reste toujours honnête. Elle incarne un féminisme de terrain, ancré dans la réalité des quartiers, dans l’expérience des femmes racisées, et dans la recherche d’un équilibre entre héritage culturel et liberté individuelle.

Une star proche de son public

Nawell Madani cultive un lien fort avec sa communauté. Très active sur les réseaux sociaux, elle partage ses doutes, ses victoires, ses coups de gueule et ses éclats de rire avec une proximité rare. Elle n’hésite pas à parler de ses échecs, de ses blessures personnelles, de sa maternité, ou encore de la difficulté à se faire respecter dans un milieu encore largement masculin.

Elle refuse d’être enfermée dans une case. Humoriste, actrice, réalisatrice, chroniqueuse, mère, militante… Elle est tout à la fois. Et c’est précisément ce qui fait sa force : elle ne joue aucun rôle, elle vit sa vérité.

Un avenir sans limite

Nawell Madani est aujourd’hui l’une des artistes les plus complètes de la scène francophone. Sa trajectoire, marquée par la résilience et la volonté de raconter sa réalité, continue d’inspirer. Elle prépare actuellement de nouveaux projets — spectacles, films, peut-être même une suite à Jusqu’ici tout va bien — avec la même fougue et la même sincérité qui ont marqué ses débuts.

Loin des clichés et des carcans, Nawell Madani poursuit son chemin avec la conviction que le rire peut aussi changer les mentalités. Et elle le prouve, à chaque prise de parole, à chaque scène, à chaque regard caméra.

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