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Une entrée en scène qui ne laisse pas indifférent
Entrer dans la salle pour voir Popeck — Fini de rire, on ferme n’est pas seulement aller assister à un spectacle d’humour : c’est rejoindre une espèce de célébration douce-amère d’une carrière longue comme un siècle. Présenté au Théâtre de Passy et annoncé comme le « dernier tour de piste » de l’artiste, ce one-man-show rassemble les agréments d’un cabaret intime et la gravité d’un testament scénique. La formule est simple : un homme, son personnage légendaire, ses objets fétiches et une heure vingt de réparties tantôt caustiques, tantôt tendres.
Un faux marchand, un vrai regard
On ne raconte pas Fini de rire, on ferme comme un film à intrigue ; on décrit une succession de tableaux et de sketches servis par le personnage que le public connaît depuis des décennies. Popeck — le personnage — vend, râle, chante et raconte. Sur scène, l’artiste s’entoure d’objets qui ont jalonné sa carrière : une guitare, une redingote, un chapeau melon, un menu de Maxim’s, une balance, un « caleçon molletonné » et d’autres accessoires devenus signatures. Le spectacle joue de cette galerie d’objets comme d’un musée vivant : chaque trouvaille active un souvenir, un gag, un trait d’humanité. Le ton oscille entre la boutade commerciale (« on n’est pas des sauvages tout de même ! ») et la confidence qui arrête le rire pour laisser passer une émotion plus profonde.
Qui est l’auteur derrière le masque : Judka Herpstu, alias Popeck
Le personnage s’appelle Popeck, mais l’homme s’appelle Judka Herpstu. Né à Paris au milieu des années 1930, Herpstu est un enfant d’immigrés d’Europe de l’Est ; son histoire personnelle — enfance partiellement confiée à l’OSE pendant la guerre, disparition de proches, apprentissages variés avant le Cours Simon — nourrit la singularité de son personnage. C’est dans les années 1960 qu’il façonne Popeck : un vieux grognon au fort accent yiddish, costume trois-pièces et chapeau melon, figure faite d’autodérision et de tendresse rugueuse. La création de ce personnage propulse sa carrière ; depuis, Popeck a alterné théâtre, cinéma et télévision et a parcouru les grandes scènes (Olympia, Palais des congrès, festivals internationaux). Selon les sources publiques consultées, sa date de naissance est généralement donnée au 18 mai (1935 selon plusieurs notices telles que Wikipedia et IMDb ; certaines autres sources référencent 1936), une petite divergence que j’ai notée en vérifiant les documents disponibles.
La technique d’un vieux maître
Ce qui frappe d’abord dans Fini de rire, on ferme, c’est l’économie du geste et la précision du phrasé. Après des décennies à affiner son art, Popeck ne force jamais : ses silences pesés, son tempo râpeux et son sens du détail transforment une formule apparemment simple en moment d’alliance entre comique populaire et écriture scénique ciselée. Le décor minimaliste concentre l’attention ; l’utilisation d’objets-symboles permet au spectacle de passer rapidement du gag au souvenir, de la satire au portrait intime. Sur la scène du Théâtre de Passy, l’écrin est petit, le contact direct : on entend autant que l’on voit, et le public devient interlocuteur — parfois victime consentante — des vannes et des confidences. Les comptes-rendus de spectateurs et la presse saluent ce mélange d’humour et d’humanité, soulignant la justesse du jeu et la tendresse sous-jacente.
Un patrimoine vivant plutôt qu’une révolution formelle
Il ne faut pas s’attendre à une révolution formelle. Le propos, volontairement classique, réaffirme une vérité simple : le comique durable naît souvent de la maîtrise des classiques plutôt que de l’effet de mode. Fini de rire, on ferme n’invente pas de nouveaux codes, mais il montre, avec intelligence, comment un personnage bien campé peut traverser les décennies sans perdre sa capacité d’émouvoir. L’innovation ici est moins technique que morale : Popeck, par son expérience et son histoire, relie le rire à la mémoire, à la fragilité et à la dignité humaine. C’est ce contraste — entre la bouffonnerie et l’origine tragique d’une vie — qui donne au spectacle sa profondeur.
Une performance qui porte tout
Dire que Popeck « joue bien » serait réducteur : Judka Herpstu compose, avec une économie de moyens rare, un personnage qui semble simultanément familier et neuf. L’art du vieillissement scénique, l’articulation des vannes, la musicalité de la voix — tout est au service d’un unique objectif : créer une complicité immédiate avec la salle. Les rares envolées lyriques ou les moments de silence pèsent d’autant plus qu’ils sont rares ; le public ressent que chaque réplique est le fruit d’une longue maturation artistique. Les retours de spectateurs et critiques consultés célèbrent cette justesse, évoquant des rires authentiques et des instants de vraie émotion.
Un accueil chaleureux mais pas (encore) de palmarès massif
À l’heure de la rédaction, Fini de rire, on ferme a reçu un accueil public chaleureux et des critiques positives dans la presse locale et spécialisée, mais il ne figure pas encore dans un palmarès de récompenses nationales majeures répertorié publiquement. L’objet du spectacle — un « dernier tour de piste » intimiste — semble davantage destiné à nourrir la relation avec le public et à fixer une belle image de carrière qu’à briguer des trophées. Quant au parcours de Popeck, il est jalonné de reconnaissances scéniques (Olympia, festivals internationaux, succès populaires) plutôt que de longues listes de prix institutionnels.
Verdict chaleureux
Si vous aimez l’humour qui n’humilie pas, la finesse de la langue, et les artistes qui portent leur passé sans en faire un étalage, Popeck — Fini de rire, on ferme est une soirée à ranger dans la catégorie « nécessaire ». Ce n’est pas seulement un spectacle de clôture de carrière : c’est une leçon de comédie appliquée, un cours d’humanité livré par un artiste dont la mémoire personnelle traverse l’histoire du XXᵉ siècle. On rit, souvent ; on sourit, beaucoup ; on s’arrête parfois, ému, devant la tendresse et la lucidité d’un vieux compagnon de scène. Pour un public de toutes générations, c’est une manière intelligente et respectueuse de célébrer un patrimoine vivant de l’humour français.
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Je partages avec passion ses analyses affûtées et ses coups de cœur culturels. Cinéphile curieux, gamer invétéré et explorateur infatigable de sorties en tout genre, il aime plonger dans les univers variés que proposent les films, les jeux vidéo, les séries et les événements culturels. Pour moi, chaque œuvre est une expérience à vivre, à comprendre et à transmettre — avec justesse, humour et un brin de subjectivité assumée.
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