Mystère à Londres : Buffalo Bill débarque… et meurt ! : Special Branch, tome 4

Bandes dessinées / Publié le 18 janvier 2022 par Charles-Henry
Temps de lecture : 7 minutes
Mystère à Londres : Buffalo Bill débarque… et meurt ! : Special Branch, tome 4
Mystère à Londres : Buffalo Bill débarque… et meurt ! : Special Branch, tome 4

Au printemps 1892, le célèbre Wild West Show de Buffalo Bill débarque à Londres pour plusieurs représentations. Parmi les invités figurent Charlotte et Robin Molton, qui assistent au show. Mais très vite l’ambiance bascule : le capitaine James Paterson, officier anglais, est retrouvé mort, transpercé d’une flèche lakota lors d’une représentation. Évidemment, un membre de la troupe Sioux est immédiatement suspecté.

Mais les enquêteurs de la Special Branch, unité anti‑terroriste de la police londonienne spécialisée dans le contre-espionnage dès 1883, ne se laissent pas tromper par les apparences. Ils vont mener une investigation fouillée, loin des clichés, pour éclaircir ce meurtre complexe au cœur du Londres victorien. Ce quatrième tome de la série forme une enquête complète et indépendante.

Présentation des auteurs

Roger Seiter (scénario)

Historien de formation (né en 1955 à Strasbourg), Roger Seiter est un scénariste prolifique, auteur de plus de soixante-dix albums. Il a notamment signé les séries Fog (avec Cyril Bonin) et HMS (avec Johannes Roussel) chez Casterman, ainsi que Lefranc, Le Dossier Thanatos, et même deux ouvrages autour de Sherlock Holmes.

Son expérience historique se ressent dans la profondeur des intrigues. Pour Special Branch, il s’inspire de faits réels, comme le démantèlement du paquebot Great Eastern, pour construire le premier cycle, avant d’enchaîner avec des one-shots comme ce tome 4 centré sur Buffalo Bill.

Pierre‑Yves Berhin alias Hamo (dessin et couleurs)

Né en 1982 à Namur (Belgique), Hamo est initialement illustrateur et auteur de bandes courtes pour Spirou. Après Noirhomme, il rejoint le projet Special Branch au dessin/aquarelle. Son trait réaliste, précis, souligné par des couleurs vibrantes (domination de tons rouges ici), crée une atmosphère visuelle immersive et élégante. Il est aussi musicien (accordéon), compositeur au sein du « Boys’ Band Dessinée » avec d’autres auteurs BD.

Son style rend justice au Londres victorien : brumes, costumes d’époque, regards significatifs, tout est pensé pour la reconstitution historique et l’immersion.

Fidélité historique et ambiance réussie

L’album réussit ses promesses en plaçant l’intrigue dans un cadre historique très crédible. L’arrivée de Buffalo Bill à Londres, le Wild West Show, l’implication de Sioux ayant réellement participé à la bataille de Wounded Knee (1890) donnent à l’album un décor riche et documenté.

Les décors, costumes et ambiance visuelle créent une immersion réussie dans le Londres de l’époque. Le rendu chromatique dominé par le rouge renforce le titre (Londres Rouge) et le sentiment de danger latent.

Intrigue complète mais protagonistes en retrait

Le récit est autonome : on peut le lire sans avoir nécessairement parcouru les trois premiers tomes. L’intrigue tient la route, avec rebondissements et suspense maîtrisé.

Néanmoins, certaines critiques évoquent un manque de charisme chez les deux enquêteurs, Robin et Charlotte Molton : ils restent parfois témoins plutôt qu’acteurs dominants de l’intrigue.
Cela dit, cette distance narrative peut aussi servir l’effet d’observation du lecteur, participant à l’enquête par identification indirecte.

Dessin et mise en couleur : une réussite visuelle

Le trait élégant de Hamo et son délicat travail des couleurs sont unanimement salués. La dominante rouge et une palette subtile dégagent une atmosphère feutrée et intense. Le style rappelle la tradition franco-belge, alliant sobriété et expressivité.

Planètes BD ou Zoo lui donnent note 3,3/5, soulignant la cohérence générale du récit et la qualité graphique, malgré un léger manque d’impact dramatique.

Équilibre narratif : respect des codes du polar victorien

Le duo Seiter/Hamo conserve les codes du polar classique : enquête, drame social, critique des préjugés (ici envers les Sioux), environnement urbain… sans tomber dans l’excitation ou l’ultra violence. L’approche est mesurée, mature, destinée à un public dès 12 ans et jusqu’aux amateurs de BD historiques et polar.

Ce quatrième tome de Special Branch, intitulé Londres Rouge, constitue une excellente porte d’entrée dans la série grâce à son caractère autonome. Il n’est pas nécessaire d’avoir lu les tomes précédents pour apprécier l’enquête proposée ici, ce qui le rend particulièrement accessible aux nouveaux lecteurs. De plus, l’arrière-plan historique, très bien documenté, renforce l’intérêt de l’histoire : l’arrivée de Buffalo Bill à Londres et la présence de véritables Sioux ayant combattu à Wounded Knee offrent un décor saisissant, rare en bande dessinée. Roger Seiter s’appuie sur ces faits pour construire une intrigue crédible et dense, tout en apportant une critique subtile des préjugés de l’époque.

Le dessin de Hamo est un autre atout majeur de l’album. Son trait élégant et expressif, associé à une mise en couleur chaleureuse dominée par des rouges profonds, donne une identité visuelle forte à l’ouvrage. L’ambiance victorienne, entre brouillard londonien et lumière des théâtres, est parfaitement restituée. La lecture devient ainsi une immersion visuelle autant qu’une enquête policière. Les amateurs de bandes dessinées historiques ou de romans policiers classiques y trouveront leur compte, tout comme les lecteurs sensibles aux atmosphères travaillées. Enfin, la finesse narrative, qui mêle critique sociale, mystère et drame humain, confère à ce tome une profondeur qui dépasse largement le cadre de l’intrigue policière traditionnelle.

Les limites d’un polar élégant mais parfois trop mesuré

Malgré ses nombreuses qualités, Londres Rouge présente quelques points faibles qu’il convient de noter. Le principal reproche formulé par certains lecteurs concerne le rôle des personnages principaux, les enquêteurs Charlotte et Robin Molton. Ils apparaissent parfois en retrait, comme de simples spectateurs des événements, alors que l’on aurait pu attendre une implication plus directe ou émotionnelle de leur part. Cette relative passivité peut freiner l’identification du lecteur et donner l’impression que l’intrigue avance davantage par l’enchaînement logique des indices que par les décisions des protagonistes.

Par ailleurs, le format classique de 48 pages impose une certaine concision qui limite parfois le développement psychologique des personnages secondaires ou la complexité des pistes explorées. Les lecteurs habitués à des récits plus longs ou à des arcs narratifs étendus pourraient trouver l’album un peu rapide dans sa résolution. Enfin, bien que l’atmosphère soit richement travaillée, certains pourront trouver que l’intrigue manque d’un véritable moment de tension dramatique fort, ou d’un retournement spectaculaire qui marquerait les esprits. Ce n’est pas un défaut majeur, mais cela place l’album dans une forme de retenue qui plaira à certains, mais pourra laisser d’autres un peu sur leur faim.

Special Branch – Londres Rouge est un one-shot réussi qui plaira aux amateurs d’enquêtes historiques où l’intelligence prime sur l’action pure. Malgré une certaine réserve dans le charisme des protagonistes, c’est une œuvre bien documentée, graphiquement élégante, et agréable à lire. La dimension historique et l’ambiance soignée compensent largement les quelques limites narratives : c’est une lecture recommandée se suffisant à elle‑même.

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Charles-Henry

En perpétuelle recherche de nouveautés culturelles en tout genre.

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