Locked, enfer sur quatre roues

Films / Publié le 27 juin 2025 par Claire
Temps de lecture : 8 minutes
Film Locked
Bill Skarsgård dans le film Locked

Imaginez un simple cambriolage qui tourne au pire cauchemar… Locked, le thriller claustrophobique de David Yarovesky, transforme une luxueuse voiture en piège mortel. Avec Bill Skarsgård piégé à l’intérieur et Anthony Hopkins à la voix, le film propose une réflexion tendue sur la justice privée et la vengeance. Voici pourquoi ce huis clos roulant fait sensation, tout en soulevant des questions sur sa propre mécanique narrative.

Une immersion mortelle : un thriller implacable

Eddie Barrish (Bill Skarsgård), un jeune père en difficulté, vole une puissante SUV Dolus sous peine d’aggraver ses dettes et de décevoir sa fille Sarah (Ashley Cartwright). Pris au piège dès qu’il met le pied dans ce 4×4 high-tech, il découvre que toutes les issues sont verrouillées, les vitres blindées, et le téléphone brouillé. Seule voix rassurante — et terrifiante —, celle de William (Anthony Hopkins) qui l’observe, le manipule, et l’assomme psychologiquement. D’un simple vol, Eddie devient cobaye d’un jeu cruel.

Alors qu’il lutte pour s’échapper, William déroule ses diatribes moraleuses, utilise la chaleur et le froid comme instruments de torture, et menace d’impliquer Sarah. Entamé comme un huis clos mécanique, Locked bascule dans un thriller psychologique aux allures de cauchemar technologique.

À la manœuvre : David Yarovesky, l’homme des huis clos intenses

Connu auparavant pour Brightburn et Nightbooks, le cinéaste David Yarovesky replonge dans l’enfermement avec Locked. Il renouvelle le huis clos du cinéma contemporain, en actualisant un récit argentin, 4×4 (2019), dans une version américaine plus nerveuse.

Yarovesky assure une continuité thématique entre ses œuvres : l’étudiant devenu créateur d’horreur reste fasciné par le piège — ici, mécanique — architecturé autour de claustrophobie et contrôle. Il s’inspire de classiques comme Phone Booth ou le cinéma seventies forçant le spectateur à ressentir l’angoisse matérielle .

Ce qui distingue Locked, c’est sa capacité à concentrer toute sa tension dans un habitacle, sans façade spectaculaire. L’effet immersif tient à trois axes : un acteur principal convaincant, une voix menaçante hors‑champ, et une voiture dont chaque fonctionnalité devient outil de domination. Malgré son calibrage en 95 minutes, le film évite l’étirement inutile — même si certains jugent qu’il patine avant le climax.

Le tournage : un acteur incarcéré et une voiture transfigurée

Le tournage, mené en novembre–décembre 2023 à Vancouver et dans les studios Burnaby, a transformé une Land Rover relookée en Dolus, SUV‑piège pour l’histoire. L’équipe d’Accessoires et Décors a organisé un challenge technique pour doter l’habitacle de caméras, brouilleur, climatisation inversée, et micros cachés.

Pour Bill Skarsgård, le tournage fut une véritable épreuve. Enfermé dans un véritable volume limité pendant les 19 jours de tournage, il subit des effets comme chaleur extrême, froid, électrocution simulée, faim, soif. Des conditions évoquées dans une interview à Entertainment Weekly :

« Ce fut un parcours vraiment tortueux […] je devais figurer la faim, l’angoisse, la confusion, tout en étant seul face à la caméra »

Le réalisateur David Yarovesky a privilégié cette captation intense, filmant souvent près des joues de Skarsgård, accentuant la claustrophobie et l’intensité de l’épreuve psychologique. Enfin, Anthony Hopkins enregistre ses répliques en postproduction ; Skarsgård les reçoit via oreillette, renouant seulement avec lui lors d’une scène finale improvisée, tournée en face à face.

Une idée américaine, un film industriel : innovation ou recyclage ?

Locked est une adaptation d’un film argentin qui avait marqué par sa simplicité narrative et son intensité (4×4, 2019). Yarovesky affirme vouloir plus qu’un remake : « raconter quelque chose de différent », à la manière de The Fly ou The Thing . Visuellement, l’enfermement devient métaphore de la punition techno-vigilante dans les sociétés riches. Techniquement, la voiture prend vie : portes qui claquent seules, variations extrêmes de température, brouillage, caméra… autant de procédés ciné‑thématiques transformés en instruments dramatiques.

Côté innovation, le film ne bouleverse pas le genre, mais son usage concentré de la technologie y infuse un élément contemporain : la surveillance-justice personnelle d’un riche vindicatif. Il rappelle des récits de Saw ou de justice expéditive, mais cohabite avec des thèmes socio-économiques : la pauvreté, les dettes, la culpabilité. Certains critiques estiment que la progression reste attendue, mais l’économie de dialogues et la mécanique immersive permettent de rester accroché .

Bill Skarsgård : un acteur seul en scène, hors du costume de clown

Après Nosferatu et la nouvelle version d’IT, Skarsgård change radicalement de registre. Eddie n’est pas un monstre, mais un homme brisé, consumé par l’angoisse d’un père promis à l’échec. Critiques et presse s’accordent : l’acteur « disparaît dans ce rôle », endurant une transformation physique et émotionnelle extrême en condition réelle .

L’avis de PopHorror : « intrigue minimaliste mais suspens puissant », Bill “montre toute sa polyvalence” . InSession Film juge avoir vécu « les 95 minutes les plus excitantes » de l’année, remerciant Skarsgård que la salle retiendra. Le réalisateur Yarovesky souligne lui-même ce défi : c’est « l’un des plus grands rôles de Bill ».

Anthony Hopkins : la voix du mal incognito

Absent à l’image pendant 90 % du film, Anthony Hopkins incarne William — un riche homme malade, victime de nombreux vols, qui décide de juger lui-même. Sa voix, calme et glaçante, rappelle parfois Hannibal Lecter sur quatre roues. FilmBook note : « Hopkins arrive et devient effrayant dans les 15 dernières minutes ».

Critiques sur Rotten Tomatoes évoquent une performance « correcte mais peu exploitée » — l’acteur reste principalement hors‑champ. Loud and Clear Reviews regrette une présence physique trop limitée, mais note sa voix comme principal vecteur de menace.

L’effet produit? Le contraste entre la détresse physique d’Eddie et la voix glaciale d’un homme invisible renforce la tension et installe un rapport psychologique de domination original.

Anthony Hopkins dans Locked

Les rôles secondaires : un appui discret mais nécessaire

Ashley Cartwright joue Sarah, la fille d’Eddie. Son rôle, bien que limité, est essentiel pour donner un enjeu émotionnel à l’histoire : Eddie lutte pour elle. Certains critiques jugent son traitement un peu mécanique, mais l’épreuve finale la mettra en vedette .

Autres présences : Michael Eklund (Karl), Navid Charkhi (Butter) apparaissent brièvement. Leur but est de renforcer le passé criminel d’Eddie, mais restent dans l’ombre d’une intrigue resserrée sur deux figures.

Récompenses et box‑office : entre thriller et succès discret

L’accueil critique est mitigé à positif, Rotten Tomatoes lui attribue 65 % d’avis positifs (66 critiques) avec une note moyenne 5,9/10.

Côté box-office, Locked a rapporté 3,6 millions USD lors de sa sortie limitée début 2025. Il n’est pas encore disponible en streaming, la sortie digitale étant prévue vers avril/mai 2025 .

Aucune récompense prestigieuse n’a encore souligné le film, mais plusieurs le saluent dans des festivals de genre et auprès du public de minuit. Son succès principal demeure le challenge technique et les performances intenses plutôt que des trophées.

Un thriller vibrant mais réducteur

Locked, malgré ses limites, éclate sur écran comme une performance, un instrument tendu de l’image et du son. Ce n’est pas une révolution du genre, mais l’expérience viscérale de Skarsgård captive, et ses soubresauts suffisent à maintenir l’attention.

La mécanique narrative pourrait être plus audacieuse, mais Yarovesky signe un film techniquement ambitieux, où claustrophobie, corps en souffrance, et justice expéditive s’entrechoquent avec intensité.

Pour celles et ceux qui aiment être encerclés psychologiquement et physiquement, Locked délivre qu’une promesse tenue : enfermez-vous 95 minutes dans une voiture infernale… et respirez fort, mais jusqu’à la liberté.

Locked ne réinvente pas radicalement le thriller claustrophobe, mais ce qu’il propose est mené avec un rare professionnalisme : atmosphère pesante, performance physique brute, montée de tension calibrée. On regrette l’approfondissement des thèmes ou le rôle trop distant de Hopkins, mais la promesse est tenue : enfermé, stressé, happé.

Un film à voir pour ceux qui aiment être enfermés avec leur propre peur, et la voix du mal résonnant, loin mais omniprésente. Bill Skarsgård montre qu’un visage seul peut tenir un film entier. Une expérience intense, qui marque par son silence, sa souffrance, et sa mécanique implacable.

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Claire

Je suis Claire, critique passionnée avec un regard acéré pour les détails artistiques. Mes critiques mêlent profondeur et élégance, offrant des perspectives uniques sur les médias. Avec une plume raffinée et une compréhension fine des œuvres, je m'efforce d'enrichir le dialogue et d'éclairer les spectateurs.

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