
L’action moderne reprend ses droits dans A Working Man, thriller musclé sorti en mars 2025, où Jason Statham incarne Levon Cade, un ancien soldat des Royal Marines devenu ouvrier du bâtiment à Chicago. Derrière ses jeans et son casque de chantier, se cache un homme hanté par des blessures intimes et un passé militaire brutal. Ce film signé David Ayer (déjà à l’origine de The Beekeeper en 2024) explore le passage abrupt d’une vie paisible à une mission désespérée pour sauver la fille de son patron, kidnappée par un réseau de traite humaine. Avec une approche visuelle brutale, un scénario co-écrit avec Sylvester Stallone, et un casting puissant, A Working Man interroge la place de la violence dans la justice personnelle et les limites de la loyauté – un sujet plus que jamais pertinent à l’ère des débats autour de la crise sociale.
Plongée dans l’enfer : le chemin qu’emprunte Levon Cade
Le film s’ouvre sur la routine quotidienne de Levon Cade : chef de chantier, il participe à des réunions, échange des plaisanteries avec ses collègues et rêve déjà du moment où il récupérera sa fille, Merry, dont la garde lui échappe à cause d’un conflit familial. Mais tout bascule lorsqu’il apprend la disparition de Jenny Garcia, la fille adolescente de Joe, son patron et ami. Voyant en cette fillette une nouvelle figure maternelle ou simplement prise en otage par sa vie, Levon décide de plonger dans l’enfer au reste.
Son enquête le ramène dans un monde de violence organisée : après avoir interrogé un barman complice et éliminé plusieurs criminels, il découvre l’implication de la Bratva, la mafia russe, et en particulier de Symon Kharchenko. Les fils de Symon, Danya et Vanko, se lancent à sa poursuite, mais Levon les neutralise dans un affrontement sanglant. Il infiltre ensuite le réseau criminel en se faisant passer pour revendeur, afin d’approcher Dimi Kolisnyk, responsable du trafic humain. Mais les pièges et trahisons sont nombreux.
Au cœur de sa mission, Levon se heurte à son passé traumatique et aux doutes liés à la perte de sa femme, notamment lorsqu’il repense à son altercation avec Gunny, son vieil ami aveugle — et désormais un tireur d’élite silencieux. Chaque victoire est marquée de sang ; chaque avancée s’accompagne d’un poids émotionnel. La libération de Jenny devient un défi contre la corruption, la bureaucratie policée et la folie meurtrière. Le film culmine dans une confrontation finale où Levon, Jenny blessée mais combative, et Merry, sa fille, redéfinissent les contours de leur nouvelle famille, au risque de franchir la ligne entre justice et vengeance.
David Ayer : l’art de confronter l’ombre
David Ayer reprend ici la direction après le succès tonitruant de The Beekeeper, reprenant une collaboration fructueuse avec Jason Statham. Cofondateur du scénario avec Sylvester Stallone, Ayer adopte une approche marquée par les violences graphiques et une atmosphère oppressante — comme il l’avait déjà démontré dans Suicide Squad ou End of Watch. Il emprunte au noir urbain et au revenge movie, mêlant les codes du polar et de la tragédie personnelle.
Tourné à Londres et à Chicago, le film a même profité d’une session dans les studios de Berkshire, sous son titre de travail Levon’s Trade. L’objectif ? Conférer au film une densité visuelle et thématique, allant du réalisme brutal du chantier urbain à l’abstraction dérangeante d’une mafia souterraine. Ayer joue sur les contrastes : la lumière du jour contre les néons et les ombres, les dialogues rares mais pesés, la décadence du travail manuel ouvrier confrontée aux arcanes du crime.
Malgré son ambition, certains critiques l’accusent de se perdre entre les genres — thriller, drame, film d’action — ce qui fragmente l’impact narratif . Le Washington Post souligne les « moments de stylistique survoltée, puis des digressions confuses », ou encore l’impression d’un film surchargé . Toutefois, Ayer signe une œuvre cohérente avec ses obsessions habituelles : la violence comme moteur moral, l’homme face au chaos urbain, et la rédemption par le sang.
Jason Statham, alter ego taciturne et foudroyant
Jason Statham incarne Levon Cade avec un minimalisme bluffant : rare sont les personnages qui disent plus en un regard qu’en dix mots. Fidèle à son personnage, il ne cherche ni à charmer ni à être aimable, ce qui renforce son aura de survivant fatigué . Sa performance joue sur la retenue : la violence attendue dans un film d’Ayer est là, mais ses silences, sa posture, sa douleur, deviennent la base émotionnelle du récit.
Fans de ses rôles dans The Meg, Fast & Furious ou encore Lock, Stock and Two Smoking Barrels, le retrouveront ici, moins show-off et plus introspectif. Et dans les scènes d’action, Statham ne fait pas dans le spectaculaire gratuit : chaque coup porte le poids dramatique de son histoire, faisant écho aux velléités de vengeance froide de son personnage. Ironiquement, la sobriété de ses mouvements crée une violence plus percutante que l’hyperkinésie d’autres productions.
Le trio principal : Peña, Harbour, Rivas
Autour de Statham, trois acteurs se détachent et sculptent l’étoffe de cette intrigue sombre.
Michael Peña incarne ici Joe Garcia, l’ouvrier devenu patron et père en détresse. Chicagoien d’origine, Peña incarne un homme ordinaire pris au cœur d’une violence inhumaine. Son humanité crève l’écran, rendant crédible la confiance que lui accorde Levon. Grâce à une justesse émotionnelle, il crée un contraste fort avec l’ombre insondable de Statham.
David Harbour, déjà collaborateur d’Ayer (Stranger Things, Black Widow), interprète Gunny Lefferty, un vétéran aveugle et ami fidèle. Harpon dans la tempête, son tir à l’arc est mortel mais ses yeux sont fermés à l’horreur du monde — une allégorie poignante. Critiques et médias soulignent sa performance solide, même si le personnage reste secondaire.
Enfin, Arianna Rivas incarne Jenny Garcia, la jeune kidnappingée dont la disparition déclenche la tourmente. Elle est bien plus qu’une victime : survivante blessée, puissante, elle réagit — parfois violentement — face à ses bourreaux. Cette arc dramatique laisse une empreinte marquée, tant en termes psychologiques que physiques. Rivas incarne cette ambigüité avec franchise et précision.
Sur le chantier du tournage : méthode et style, pas de bling‑bling
Côté production, A Working Man affiche une approche rugueuse mais efficace. Tourné d’avril à fin mai 2024 à Londres — principalement aux studios Winnersh (Berkshire) —, le film reprend son nom d’origine, Levon’s Trade, avant d’être rebaptisé par Amazon MGM fin 2024. Le tournage en studio et en décor urbain visait à créer un contraste visuel entre la brutale réalité du chantier et les reflets froids d’un sous‑monde mafieux souterrain.
Responsable de la photographie, Shawn White propose une palette variée : gris industriels, néons violacés, intérieurs bondés d’ombres et d’opulences décadentes. Quant au costume, la styliste Tiziana Corvisieri surprend par des antagonistes au style outrancier : fourrures, vestes extravagantes, cannes, tout un folklore gangster qui rivalise avec les banalités terre‑à‑terre de Levon. Ce mélange d’images soignées, grâce notamment au mixage sonore affirmé (Ben Greaves), et des designs excessifs donne des séquences visuellement marquantes — sans pour autant révolutionner le genre .
Même le son, via Greaves, est travaillé pour renforcer le choc de l’impact : coups secs, verre brisé, pas lourds dans le silence. Cela ajoute un poids sensoriel utile, sans tomber dans l’esbroufe.
Réception contrastée mais impact notable
À sa sortie le 28 mars 2025, A Working Man domine le box-office américain : 15,2 M$ lors du premier week-end, dépassant Snow White malgré sa chute de fréquentation AP News. Une performance qui tranche avec la réception critique mitigée. Sur Metacritic, il obtient un score de 52/100, synonyme de critiques « moyennes » Wikipedia, tandis que le consensus général encense la présence scénique de Statham mais déplore un récit trop animé, trop violent et mal équilibré .
Le Washington Post pointe « une production disjointe, aux évolutions de ton abruptes » ; Decider qualifie même le film d’« oublie‑le ». The Guardian lui reproche un rythme laborieux et trop de places prises par l’ornement violent et le symbolisme appuyé . Toutefois, le jeu d’acteurs centré sur la loyauté, la fraternité et la vengeance trouve une résonance certaine, et le public adepte du genre applaudit la direction brusque et la rareté des artifices hollywoodiens.
Rythme oldschool et violence calibrée
Quant à l’originalité, le film n’invente rien : c’est un mix de Commando, Rambo II et John Wick, sans la subtilité philosophique ni la chorégraphie arrogante. ScreenDaily parle d’un « action‑thriller débordant de violence graphique mais sous-développé sur le plan narratif » , tandis que Roger Ebert note : « Rien de surprenant – c’est un film qui existe pour que Statham casse des mâchoires » . GeekVibesNation conclut qu’il est « brutal et éprouvant, mais déjà vu, sans véritable renouvellement du genre ».
Pourtant, une nuance : le scénario tente d’intégrer une dimension émotionnelle, liée à la paternité, la détresse post-traumatique et la justice personnelle. Arianna Rivas en Jenny propose quelques élans de rébellion, scènes où elle lutte et refuse de n’être qu’une victime. Mais ces arc narratifs rompent l’élan du film, segmentant le cœur d’action trop rapidement.
Ainsi, la virtuosité technique (photo, son, costumes) sert un récit linéaire et attendu, fait pour satisfaire l’adrénaline sans excès d’originalité.
L’ombre d’un thriller conscient
Derrière l’action, A Working Man propose une réflexion sur le trauma, la masculinité brisée, l’absurdité de la violence organisée et les liens que l’on choisit ou subit. Le film interroge la justice : Levon agit-il au nom du bien, ou asphyxié par l’impulsivité d’un cœur brisé ? Son exécution chirurgicale de l’enlèvement traduit une société lasse, prête à confier sa sécurité à des vétérans invisibles.
La structure rappelle Taken (en seulement 94 minutes, rappelle Le Post) ; ici le film dépasse, à 116 minutes, une densité narrative parfois chaotique. Il tente aussi de rejoindre John Wick dans sa violence stylisée, mais le débat est ouvert : est-on dans l’hommage ou la parodie ? Les critiques estiment que la production butte sur un manque de cohérence tonale.
Ce mélange de concret et d’irréel, cette quête de rédemption par le sang, l’exploration de réseaux clandestins et la tentative de « remettre l’ouvrier au cœur du combat » le rendent symbolique : l’homme qui construit devient celui qui démolit — non plus des murs, mais l’indicible corruption.
Spectacle garage ou chef‑d’œuvre mécanique ?
Alors, innovation ou recyclage ? A Working Man ne réinvente rien. C’est un film spectaculaire, bien calibré du point de vue visuel et sonore, mais dénué de risque créatif. Il reprend les formules éprouvées des vigilantes musclés, y ajoute une touche familiale et morale, mais perd en originalité aux moments où il pourrait surprendre.
Pour le spectateur exigeant, cela reste un exercice de style au service d’un divertissement sans surprise, sans véritable introspection. Mais si on l’aborde comme une série B haut de gamme — un film d’action efficace —, il remplit son ultime fonction : procurer une dose d’adrénaline, sans se perdre dans des excès de narration ou de style. Decider le jugeait « oubliable », le Washington Post évoquait un film « désarticulé » , et AV Club le trouvait même « long, plat et laborieux » .
En fin de compte : poussière ou diamant brut ?
Est‑ce que A Working Man apporte quelque chose de neuf ? Non, mais il se place comme un instantané de ce que le cinéma d’action peut offrir en 2025 sans frilosité : une mise en scène rugueuse, une photo stylisée, un héros silencieux, une violence crue. Dans ce créneau, Statham et Ayer délivrent leur vision : la mécanique bien huilée d’un genre à guillotine réglée au millimètre. On pourrait affirmer que le succès, avec un retour sur investissement confortable (près du double du budget) et un public satisfait, montre qu’il répond à une demande toujours vivace.
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Je suis Guillaume, critique de films passionné dont les analyses incisives et captivantes enrichissent le monde du cinéma. Avec un flair pour déceler les subtilités artistiques, je partage mes réflexions à travers des critiques percutantes et réfléchies. Mon expertise, alliée à une plume élégante, fait de moi une voix influente dans l'univers cinématographique.
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