« Millenum » : Une adaptation glaçante du polar culte de Stieg Larsson

Films / Publié le 13 avril 2025 par Charles-Henry
Temps de lecture : 8 minutes
« Millenum » : Une adaptation glaçante du polar culte de Stieg Larsson

Sorti en 2009, Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes s’impose comme l’une des plus brillantes adaptations littéraires européennes de ces dernières décennies. Premier volet de la trilogie suédoise inspirée des romans de Stieg Larsson, le film marque par sa noirceur, sa tension maîtrisée et ses personnages inoubliables. Réalisé par Niels Arden Oplev, ce thriller nordique dépasse la simple enquête criminelle pour interroger les zones d’ombre de la société suédoise, avec une intensité rare.

Ce film suédo-danois, véritable phénomène en Scandinavie puis dans le reste du monde, ouvre une trilogie qui connaîtra un succès critique et public mérité. Bien avant la version hollywoodienne de David Fincher, cette première adaptation reste pour beaucoup la plus fidèle, la plus brute et la plus viscérale.

Un thriller d’investigation au cœur d’un froid glaçant

L’histoire débute avec Mikael Blomkvist, journaliste économique pour le magazine Millénium, récemment condamné pour diffamation. Il accepte une mission inattendue : enquêter sur une disparition vieille de quarante ans, celle de Harriet Vanger, nièce d’un magnat de l’industrie suédoise, Henrik Vanger. Retiré sur une île isolée appartenant à la puissante famille Vanger, Blomkvist découvre peu à peu les non-dits et rancunes d’un clan aussi secret que redoutable.

C’est au cours de cette enquête qu’il croise la route de Lisbeth Salander, une hackeuse brillante, marginale, asociale et au passé douloureux. Leur collaboration, d’abord improbable, devient essentielle pour faire éclater la vérité sur une affaire beaucoup plus sordide et complexe qu’il n’y paraît.

L’intrigue, rythmée mais patiemment construite, repose autant sur le mystère criminel que sur les personnalités fascinantes de ses protagonistes. Le scénario ne cède jamais à la facilité et ménage des moments de tension glaçante, tout en explorant des thèmes puissants comme les violences faites aux femmes, le pouvoir patriarcal et la justice des élites.

Niels Arden Oplev : un metteur en scène à la sobriété efficace

Né au Danemark en 1961, Niels Arden Oplev s’était déjà fait remarquer pour ses réalisations dans le cinéma scandinave avant de s’attaquer à Millénium. Il apporte au film une réalisation sobre, tendue, presque clinique, parfaitement adaptée au climat glacial de l’intrigue. Son choix de mise en scène, tout en retenue, permet aux personnages et à l’ambiance de s’imposer sans artifice. Il laisse la violence s’installer insidieusement, sans surenchère, ce qui rend les scènes les plus dures encore plus marquantes.

Oplev privilégie une photographie froide et désaturée qui colle aux paysages hivernaux et à la tonalité sombre du récit. Il filme la Suède comme un personnage à part entière, à la fois belle et inquiétante, creusant ainsi une atmosphère unique dans le polar européen. Le succès du film a permis au réalisateur de s’ouvrir ensuite à des projets internationaux, notamment avec Dead Man Down (2013), mais Millénium reste son œuvre la plus emblématique.

Noomi Rapace et Michael Nyqvist : un duo inoubliable

Le film ne serait pas ce qu’il est sans ses deux acteurs principaux, dont l’alchimie fonctionne à merveille.

Noomi Rapace incarne une Lisbeth Salander tout simplement inoubliable. Méconnaissable dans le rôle, l’actrice suédoise livre une performance habitée, à la fois intense, fragile et violente. Elle fait de Lisbeth une héroïne moderne, loin des clichés : une femme meurtrie, asociale, mais d’une force mentale hors du commun. Rapace s’approprie totalement ce rôle devenu culte et impose une présence magnétique à l’écran, au point d’éclipser toutes les autres versions du personnage. Cette prestation marquera un tournant dans sa carrière, l’ouvrant à Hollywood avec des films comme Prometheus (2012) de Ridley Scott.

Face à elle, Michael Nyqvist (décédé en 2017) campe un Mikael Blomkvist tout en retenue. Journaliste droit et tenace, il devient l’ancrage moral de l’histoire. Nyqvist incarne avec justesse ce personnage curieux, humain et vulnérable, qui se laisse peu à peu aspirer par une enquête aussi complexe que dangereuse. Son jeu tout en nuance offre un contrepoint parfait à la fougue de Salander.

À leurs côtés, on retrouve également Lena Endre, Peter Andersson ou encore Sven-Bertil Taube, dans des rôles secondaires solides qui enrichissent encore la galerie de personnages ambigus et troublants.

Un polar dense et dérangeant, aux multiples niveaux de lecture

Ce qui fait la force de Millénium, c’est sa capacité à aller bien au-delà du simple polar. Le film explore des thèmes profonds : la misogynie enracinée dans les hautes sphères, les secrets familiaux, la justice sociale, et la solitude des marginaux dans un monde qui les exclut.

La violence, notamment sexuelle, est abordée de front, sans complaisance, mais avec une gravité qui force le respect. Le film dénonce, sans jamais tomber dans la caricature, un système où les victimes doivent souvent se battre seules contre l’impunité des puissants. La scène-clef entre Lisbeth et son tuteur en est un exemple marquant : insoutenable, elle symbolise tout ce que le film cherche à combattre.

Mais Millénium est aussi une histoire d’émancipation et de résilience. La transformation de Lisbeth au fil du film, passant de l’ombre à la lumière, est poignante. C’est une héroïne atypique, anti-glamour mais terriblement inspirante, qui redéfinit les codes du thriller et du personnage féminin dans le cinéma contemporain.

Un tournage exigeant, à l’image de son sujet

Le tournage de Millénium n’a pas été de tout repos. L’équipe a dû composer avec les conditions climatiques du nord de la Suède, parfois extrêmes. La scène centrale de la ferme isolée, tournée à Hedestad, a nécessité plusieurs semaines d’installation pour recréer une atmosphère des années 60.

Mais c’est surtout le traitement des scènes de violences sexuelles qui a demandé une attention particulière. Noomi Rapace et le réalisateur ont longuement préparé les séquences les plus dures, en accord avec l’équipe et les psychologues présents sur le plateau. L’objectif n’était jamais de choquer gratuitement, mais de montrer, sans détour, ce que beaucoup préfèrent ignorer. Ce parti pris a valu au film des critiques, mais aussi un profond respect.

Un film qui dérange et innove

Millénium innove par son regard, son rythme, son ancrage social. Là où beaucoup de polars se contentent d’un suspense haletant, Oplev prend le temps. Il construit ses personnages, explore leurs failles. Il ne cherche pas l’action, mais l’impact. Il innove aussi en faisant d’une jeune femme marginale, punk, hackeuse, violente et fragile, l’héroïne principale. Lisbeth Salander brise tous les codes, refuse la victimisation et devient l’icône d’un féminisme nouveau, radical et moderne.

Le film explore aussi les zones grises de la justice, du pouvoir, des institutions. Il pose la question de la vérité, de la mémoire, de la manière dont les sociétés préfèrent oublier plutôt qu’affronter leurs monstres.

Une reconnaissance critique et populaire méritée

Millénium a rencontré un succès retentissant en Suède et à l’international. Présenté dans de nombreux festivals, il a remporté le prix du meilleur film au Festival du film policier de Beaune en 2009, et plusieurs Guldbagge Awards (les César suédois), notamment pour Noomi Rapace (meilleure actrice). Le film a aussi été nommé aux BAFTA en 2011 dans la catégorie meilleur film étranger.

Mais au-delà des récompenses, c’est surtout l’impact culturel du film qui marque les esprits. Il a relancé l’intérêt mondial pour les thrillers scandinaves, donnant naissance à un véritable genre, le “Nordic Noir”. Il a également ouvert la voie à de nombreuses adaptations internationales, dont la version américaine de David Fincher en 2011.

Une œuvre toujours d’actualité

Plus de quinze ans après sa sortie, Millénium reste d’une actualité troublante. Les thématiques qu’il aborde – violences sexuelles, impunité des puissants, rôle des médias, résilience des femmes – sont plus brûlantes que jamais. Dans un monde en quête de justice, Lisbeth Salander demeure un symbole de résistance, une voix pour celles qu’on ne veut pas entendre.

Niels Arden Oplev a su capter cette tension, cette urgence, et la traduire dans une œuvre dense, percutante, inoubliable. Millénium n’est pas seulement un bon film. C’est un cri. Un polar politique. Une œuvre engagée, viscérale, nécessaire.

À vous maintenant

Avez-vous vu Millénium ? Que pensez-vous de Lisbeth Salander comme héroïne moderne ? Est-ce que le thriller scandinave vous fascine autant que nous ? Dites-le-nous en commentaire et partagez l’article si vous pensez que ce chef-d’œuvre mérite d’être redécouvert.

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Charles-Henry

En perpétuelle recherche de nouveautés culturelles en tout genre.

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